Pour marcher dans le vide, il faut se construire un chemin. J’aime laisser faire les choses et j’ai toujours peur de peser. Comme tout passe, cela passera aussi. La vie, comme elle jaillit et nous éclabousse. Je crois, mais ma mémoire est défaillante. Sentiment cruel d’avoir perdu mon temps, de l’avoir utilisé à mauvais escient, de l’avoir consumé en vaines rêveries. Il faut écrire la légende de notre passé, dans laquelle nous espérons être absorbé par le regard rétrospectif du futur. On reste toujours suspendu. Je fais attention à la route. Je fais attention au tracé de la route. Je fais attention à la part d’invisible. Je dirais plutôt l’envie, le désir, l’espoir du sens. J’y vais, j’y suis, je suis là, c’est maintenant.
Et c’est pourquoi on marche, même si à chaque pas c’est comme, minuscule à peine, une effervescence entre les mots qui disent hier, ce qu’on a gagné, dire les premiers mots, écouter le crissement, la rumeur des choses qui commencent, mais le jour on se perd, on se retrouve. Il y a des silences, plus on avance et moins on sait, on cherche demain. Rien ne bouge que le corps obstiné poursuivant avec les mêmes images, leur même lumière, l’ombre qu’il n’a pas. Et c’est pourquoi on marche, on voudrait pouvoir s’arrêter, pourquoi maintenant, plutôt que demain ou qu’hier, pourquoi ici, mais ici, maintenant. C’est partout, c’est le monde qu’on n’entend que quand il se retire qu’on voudrait reconnaître, un espace qui s’entr’ouvre, comme une vague. Et c’est pourquoi on marche, et qu’il n’en reste que juste un souffle à se demander pourquoi comme ça sans crier gare. Et c’est pourquoi on marche, ce mouvement venu sans les mots et avec eux et comment comprendre le jour qui vient et qui va, on marche.
« La ville est sous mes pas » est un projet de site web d’écriture participative et de cartographie générative inspirée par le modèle du cadavre exquis, initié et animé par Cécile Portier, dans le cadre de son œuvre Étant donnée, qui est une interrogation poétique sur nos traces numériques, qui prend la forme d’un projet artistique hybride.
J’ai déjà eu le plaisir de travailler avec Cécile Portier à l’une des parties de son projet Étant donnée, avec la vidéo d’une lecture croisée que nous avions faite ensemble à la BU d’Angers en 2012 Le Passage du dési.
Je suis passé tout récemment devant le Passage du désir et pour une fois (travaux obligent) l’endroit était ouvert et j’y suis allé prendre quelques images.
Écrire un moment de déambulation imaginaire dans une ville, écrit comme en « caméra subjective ». L’écriture de cette déambulation est libre, elle peut relever de toutes sortes d’annotations sur le paysage urbain, dans sa très grande diversité, elle s’attache aux éléments de « décor », à tout ce qui fait forme plus ou moins permanente, au flux de sensations dans lequel on est pris en marchant dans une ville, et aux interactions, événements, incidents, qui peuvent émailler cette déambulation. La seule contrainte repose dans l’obligation de commencer et de terminer ce fragment de récit par un mot-clé isolé, choisi dans une liste déterminée à l’avance comme un vocabulaire urbain minimal, celui de formes très fréquentes et repérables dans l’univers urbain, et qui jalonnent la rue, ou ce qui en tient lieu. Ces vocables prédéterminés (liste indicative ci-dessous encore à affiner) auraient une fonction de connecteurs des textes entre eux.
Feu rouge – Passage piéton – Rond-point – Panneau stop – Radar – Caméra de surveillance – Lampadaire – Vitrine – Échangeur – Glissière de sécurit …
Cet exercice du cadavre exquis urbain a été proposé par Cécile Portier et moi-même à des élèves de cm2 et de 6eme de Sèvres et de Bagneux. Vous pourrez lire leurs textes et l’explication plus complète du projet à l’adresse : Miroir de la ville
Le site a été conçu par Cécile Portier, réalisé par Julien Kirch avec la collaboration d’Alain François pour les cartes et de Thomas Guillaud-Bataille, pour les enregistrements sonores.
Cécile Portier vous invite à soutenir son ambitieux projet Étant donnée sur Kisskissbankbank : Etant donnée... une fable : une femme trouvée nue, amnésique, à rhabiller de sa vie entière via les données numériques collectées sur elle.