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Un perpétuel dialogue entre l’espace et le temps

Il y a quelques jours, Guillaume Vissac évoquait dans le journal qu’il tient sur son site Fuir est une personne Slow Motion Blackbird qui n’est pas comme il le croyait une composition de Steve Reich mais un genre d’hommage à Steve Reich de Chris Merrick Hugues. « Il reproduit en réalité le procédé à l’œuvre dans « Four organs » (qui est juste un morceau fascinant) : un ralentissement progressif de la même phrase, en l’occurrence ici il s’agit de chants d’oiseau doublés au synthétiseur (quand, dans Four organs, comme son nom l’indique, il s’agit de quatre orgues ; ou bien, qui sait, quatre organes ?). »

En lisant cela j’ai d’abord pensé au Catalogue d’oiseaux d’Olivier Messiaen [1], puis cela m’a rappelé le travail plus récent du musicien Christophe Chassol, que l’on peut écouter sur France Musique, où il analyse un morceau de musique moderne ou contemporaine, dans son album Big Sun, où deux morceaux portent le titre Birds (Birds 1, Birds 2).

Dans cette vidéo, le musicien revient avec précision sur le processus d’écriture de ce disque.



Dans son film Indiamore, tourné à Calcutta et Bénarès en juillet 2012, Chassol harmonise sons, images et musique traditionnelle. Une approche qu’il avait déjà mené en Nouvelle-Orléans, dans son film musical Nola Chérie. Le musicien répète les images vidéo, en traitant leur son comme un matériau musical et réussit ainsi à mêler approche documentaire à œuvre purement musicale, ce qu’il appelle ultrascore.

« Il me disait qu’il voyait la musique indienne comme deux lignes horizontales.

La première généralement jouée par un tampura symbolisait la basse.

C’était un flux, un ton, un tronc. Une racine qui définissait le point d’ancrage de l’harmonie.

La seconde représentait la mélodie et ses chemins sinueux. Elle naissait de la première, lui passait dessus, dessous et comme aimantée, revenait toujours sur elle.

Il me disait qu’il voulait jouer ses accords préférés à l’intérieur des intervalles qui ressemblaient aux montagnes des indiens d’Amérique »



« Le sample est une tradition issue du minimalisme américain, selon Chassol [2], les premières pièces de Steve Reich consistent en un assemblage de bandes qu’il découpe, écarte et superpose. Pour que cela fonctionne, il faut sculpter le sample. J’ai toujours été une sorte d’artisan. »

Pour revenir au propos de Guillaume Vissac dans son journal : « On devrait pouvoir (sans doute ça a déjà été fait), écrit-il, faire l’expérience d’un procédé pareil en littérature. Une phrase, réécrite plusieurs fois en séquence, de plus en plus lentement, et il convient ici de réfléchir, mais alors réfléchir vraiment, pleinement, viscéralement même, à ce que lentement signifierait alors. »

Tout l’intérêt de la reprise d’une image, d’un son, d’une idée ou d’une œuvre, réside dans l’appropriation et la transformation plutôt que dans la réédition. Ainsi ne crée-t-on jamais seul. S’approprier, c’est trahir, renouveler l’interprétation, c’est revitaliser du sens.

[1« La musique est un perpétuel dialogue entre l’espace et le temps, entre le son et la couleur, dialogue qui aboutit à une unification : le temps est un espace, le son est une couleur, l’espace est un complexe de temps superposés, les complexes de sons existent simultanément comme complexes de couleurs. Le musicien qui pense, voit, entend, parle au moyen de ces notions fondamentales, peut dans une certaine mesure s’approcher de l’au-delà. » (Olivier Messiaen)


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