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Voyage à Naples (2ème jour)

Depuis notre arrivée Naples nous fait irrésistiblement pensé à Bastia. Bien sûr la ville est beaucoup plus grande, mais ce matin, en longeant le bord de mer, sur le Lungomare, difficile de ne se retrouver de l’autre côté de la Méditerranée.

Un peu avant le Castel dell’Ovo, les pêcheurs sortis en mer ce matin rapportent le produit de leur pêche et le vendent en rivalisant de la voix pour convaincre leurs rares acheteurs.

Piazza del Plebiscito (Place du plébiscite) est la plus importante place de Naples. Située au chœur de la ville elle est bordée par la Basilique San Francesco di Paola, le Palais Royal, le Palazzo Salerno et le Palazzo della Prefettura.

Situé Piazza Trieste e Trento (place étonnante pour sa forme irrégulière), le Caffè Gambrinus a été fondé en 1860. Décoré de fresques et de frises dans un style floral qui annonce l’Art nouveau, il conserve de nombreux stucs dorés, de larges miroirs, statues et œuvres picturales.

Au fil des ans, ces salons dorés accueillirent de nombreuses personnalités de tous les pays (Gabriele D’Annunzio, Benedetto Croce, Ernest Hemingway, Oscar Wilde, Jean-Paul Sartre).

La pluie s’intensifie sur Naples, nous nous réfugions sous le dôme en verre à structure métallique de la Galleria Umberto I.

La galerie mêle boutiques, caffè et vie publique d’une façon générale avec les espaces privés d’habitation accessibles à partir du troisième niveau.

Dans l’après-midi, nous fuyons la Via Toledo, qui, bien que son parcours soit bordé d’édifices historiques, de palais nobiliaires, d’églises monumentales, de banques, de théâtres, de cafés est surtout envahie par de nombreux commerces et boutiques de marque, qu’il est difficile de supporter un samedi particulièrement.

La pluie continuant de tomber, à grosses gouttes désormais, nous décidons de visiter le Musée archéologique national de Naples en prévision de notre périple à Pompei demain, et de découvrir ainsi les fresques et mosaïques qui y sont exposées, en provenance des sites de la région du Vésuve.

Dans les couloirs du métro presque désert, à la sortie pour rejoindre le Musée, les reproductions des magnifiques photographies de Mimmo Jodice observent de leurs yeux aveugles cet homme étendu au sol, dans l’indifférence des rares passants.

Sculpté en ronde-bosse dans un seul bloc de marbre, mesurant plus de quatre mètres de hauteur, le groupe sculptural du Taureau Farnèse qui a été retrouvé lors de fouilles archéologiques dans les thermes de Caracalla, à Rome représente une scène mythique où Dircé attachée par ses cheveux à une des cornes du taureau par les fils d’Antiope, va être précipitée dans la mer du haut d’un rocher ; une autre femme et un petit garçon, accompagnés d’un chien, assistent impuissants à ce spectacle.



Comment ne pas penser au visage d’Ingrid Bergman dans le film Voyage en Italie, découvrant les statues de la collection Farnèse, dans les salles du rez-de-chaussée du Musée, les yeux écarquillés de surprise, médusés, regardant chaque sculpture avec un étonnement légèrement inquiét, la caméra de Robert Rossellini tournant autour des statues dans le mouvement contraire de l’actrice s’en approchant, tissant ainsi entre eux un étrange et inoubliable dialogue muet d’une saisissante beauté.

La Mosaïque de la bataille d’Alexandre se trouvait dans la maison du Faune, à Pompei. C’est une composition déposée et désormais transférée au Musée. Sur cette scène, se détachent les deux principaux protagonistes que l’on identifie facilement : Alexandre le Grand, nu-tête, chevauchant son cheval Bucéphale et Darius III sur son char, coiffé de la mitra, coiffure perse traditionnelle.

Malgré la composition relativement simple de la scène, avec les deux têtes qui se détachent de la mêlée, qui met surtout l’accent sur l’aspect tragique de l’épisode, c’est un détail de la mosaïque qui attire mon attention, en bas à droite de la composition. Le reflet du visage du soldat perse est visible dans son bouclier.

Cette image me marque sensiblement, je ne sais dire pourquoi sur le moment. J’y repense pendant tout le reste de la visite.

Au fond des salles des mosaïques, face au pavement d’une villa romaine et à proximité de bataille d’Alexandre, un gardien surveille scrupuleusement l’entrée, posté devant la lourde grille en fer forgé qui l’accès au Cabinet. Une enseigne, au-dessus de la porte, indique en gros caractères : Cabinet secret. Rouvertes au grand public en avril, ces cinq salles érotiques de la Rome antique, qui comprennent plus de 250 objets, ont pendant plus de deux siècles attisé la fantaisie des uns, provoqué l’indignation des autres.

Mosaïques érotiques, fresques pornographiques, objets de toutes sortes à motif phallique, ont été mis à l’index pendant des siècles. En fonction du contexte politique plus ou moins conservateur, ce cabinet secret fut totalement interdit aux visites. Il a été ouvert au public en 1976 pour une brève période, puis fermé pour restauration, et n’a rouvert qu’au printemps 2000. Sa visite reste interdite aux mineurs non accompagnés.

En arpentant les autres salles du Musée consacrées aux fresques, l’image du reflet du visage de la Mosaïque de la bataille d’Alexandre, me revient en mémoire.

De nombreux visages se sont effacés avec le temps, je ne vois plus que cela au fil de mon périple. Je sors du Musée avec cette image en tête, celle d’un visage dont l’image s’efface. Lapidaire.


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