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L’invention d’un paysage

Claire Dutrait et Matthieu Duperrex dirigent depuis 2010 Urbain, trop urbain.

Ils expliquent leur approche dans un entretien très complet réalisé par Margot Baldassi sur le site Pop-up-urbain : « La démarche d’Urbain, trop urbain consiste d’une part à ne pas se contenter des espaces désignés et d’aller voir ailleurs ; d’autre part à créer, solliciter, repérer des pratiques ménageant un autre rapport à la ville que celui de sa consommation. Le parti-pris d’Urbain, trop urbain se résume à cela : le multiple qui nous dépasse est une nécessité, dont il ne faut pas seulement « rendre compte » de façon objective, mais que nous avons à explorer, accompagner, saisir parfois par une écriture elle-même multiple et résolument subjective. »

Leur dernier projet Périph’Strip, initié en 2012, est une expérience psychogéographique sur le périphérique intérieur de Toulouse, qui décrit la courbe d’un univers en marge de notre monde commun, invente des paysages, des habitants et des rêveries, par le biais de l’excursion urbaine, et nous invite au cheminement poétique. Deux ans d’expérimentations artistiques variées sur un périphérique qui débouchent sur un récit polyphonique inédit. Le livre s’est composé autour d’un ensemble de six personnes toutes membres du collectif Urbain, trop urbain : Matthieu Duperrex, Claire Dutrait, Jean-Yves Bonzon, Sophie Léo, Frédéric Malenfer et Uttarayan, autour d’un répertoire et d’outils communs : photographie, prise de notes, herborisation, enregistrement sonore, dessin, donnant lieu à un
ouvrage polyphonique, une œuvre éclatée et multiforme faite d’une pluralité de voix et de regards : Périphérique Intérieur sorti officiellement au mois de novembre chez Wildproject

« Au commencement, lorsque tout y recommence, chacun porte en lui le souvenir du fracas d’aluminium qu’enjolive le rameau vert. Nous ne savons pas encore si ce qui est écrit reste ou part sous la gomme noire, ni si les lettres s’égrènent au brouhaha des véhicules. Chiffres, combinatoires, appellations : quels matricules s’attribueront nos pas lorsqu’ils auront franchi la marge ? »

 [1]

Ce projet transmédia d’Urbain, trop urbain, est surtout une aventure éditoriale qui nous invite à sortir des sentiers battus du livre numérique :

Une campagne de financement (crowfounding chez Kiss Kiss Bank Bank pour permettre l’édition du livre, et trouver ses premiers lecteurs.

Un carnet de notes en commun sur Facebook pour permettre aux auteurs de trouver un langage commun dans l’approche de la ville et des pratiques urbaines.

Un film sur l’un des habitants qui vit en marge du périphérique, l’homme qui habite avec son chien face à la Garonne

Un ensemble de projets artistiques où, à chaque fois, l’expérience partagée a livré un matériau avec lequel travailler, et non seulement un matériau mais une façon d’engager notre sensibilité à plusieurs. Et suite à la publication, des performances pour accompagner ce livre, comme un Tour Operator du périphérique de Toulouse, une expérience touristique et poétique de l’espace urbain en forme de voyage organisé, des expositions, ou bien encore le spectacle des Légendes périphériques qui se déroule en direct, avec musique et dessin.

« Et ça recommence toujours, tout y recommence. Mer, forêt, désert, montagne, grandes plaines, banlieues, zones... Paysages véhiculant le même paradoxe : au commencement dangereux et laids, on les conquiert par des techniques, on les régule par des décrets, on croit les apprivoiser par des soins. Et les récits émergent, s’intriquent et se déroulent pour embrasser les distances et en imaginer la puissance. Périphérique. Peupler ce territoire de nos images. Peupler ce territoire, en trouver le langage, en déployer l’énonciation des passages, la syntaxe déliée, sans plus s’amarrer aux comptoirs qui mènent à la ville. Trouver des pratiques de cabotage. Ouvrir les yeux à la continuité, collectionner, faire des listes. Celles des glissières, des radars et des panneaux, des tuyaux et des bâches qui recouvrent la terre. Liste des arbres plantés comme des barrières sur les collines, digues à bruits, à plantes, à femmes et à tout ce qui pourrait faire du sous-bois un territoire à soi. Reconnaître le bourdonnement du samedi et le distinguer des vagues du dimanche. Palper l’épaisseur de l’air en semaine. »

 [2]

Urbain, trop urbain confirme avec cet ambitieux projet comme avec le travail entamé sur leur site ou dans leurs derniers ouvrages numériques, le No City Guide sur Shanghai ou le conte scientifique Micromegapolis, lorsqu’une ville rencontre Gaïa, que pratiquer la ville « en artiste », c’est faire confiance à l’invention narrative de l’espace, et l’expérimenter collectivement dans tous ses supports d’édition, de diffusion et de médiation.

[1Périphérique intérieur, éditions Wildproject, 2014, p.15

[2Périphérique intérieur, éditions Wildproject, 2014, p.113


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