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On a toujours besoin de beau

La piscine, longtemps pour moi c’est resté lié à des éclats de rire, des longueurs éprouvantes et des plongeons rafraîchissants, l’été. C’est également un Musée d’Art et d’Industrie, à Roubaix. Un film de Jacques Deray, que j’ai revu il y a quelques semaines, avec Romy Schneider et Alain Delon alanguis sur le bord de la piscine. Mais quand je pense à la piscine, c’est surtout l’œuvre de l’artiste britannique David Hockney, A Bigger Splash, que je revois.

David Hockney, A Bigger Splash

Un ciel parfaitement pur, une maison basse et moderne, largement ouverte, des palmiers aux toupets haut perchés et, bien sûr, une piscine. Une chaise de producteur, Hollywood n’est pas loin. Une peinture qui comme seule suggestion d’un espace en profondeur, ne retient que la ligne d’un plongeoir, tracée en diagonale. Le lointain d’un paysage. Une épure des symboles du mode de vie et des poncifs californiens. Pendant longtemps pour moi la piscine c’était tout cela.

Aujourd’hui, La Piscine c’est une magnifique revue graphique et littéraire, un projet éditorial dirigé par Louise Imagine, Christophe Sanchez, Alain Mouton et Philippe Castelneau.

La Piscine est une revue qui se présente sous la forme d’un diptyque, un côté couleur, un autre en noir et blanc, et se lit tête-bêche.

La maquette de la revue est très élégante, l’impression soignée. Le choix des textes, photographies, et dessins, très harmonieux. Le projet est ambitieux, il s’agit de promouvoir et diffuser la création contemporaine dans une publication à la fois belle et exigeante, qui réunit des auteurs et des artistes variés, d’horizons divers, certains connus, d’autres un peu moins.



Le numéro zéro sur le thème H2O est en vente en ligne ici : http://j.mp/LaPiscineH20



Voici le texte que j’ai écrit pour la revue : dans l’inconnu

Le point de départ est une énigme.

Un homme sort de la forêt et s’installe sur la margelle d’un bassin. Debout, il observe son reflet dans l’eau. Les ombres qui dansent en vagues régulières. Cet homme, c’est toi, c’est moi.

Il saute dans l’eau mais son corps se fige au-dessus de la surface, il reste en l’air. En suspens. Le reflet a disparu. Le point de départ est une énigme.

La soudaine disparition de son reflet dans l’eau coïncide avec l’apparition, à la surface du bassin, de reflets qui ne correspondent pas avec ce que tu vois en dehors. Tu avances dans l’inconnu regardant autour de toi avec l’irascible envie de tout voir, de tout embrasser. Arrêts sur image et disparition du corps.

Les métamorphoses de la lumière, de la matière et de l’espace-temps, dessinent d’insolites ellipses temporelles. Écart de temps, comme un écart de lieu, n’appartenant ni au temps ni au lieu. Succession de situations aux glissements incessants, perception troublée par les fluctuations évanescentes de la lumière qui font et défont les images à la surface de l’eau. L’image se sépare en trois strates de temps. Le présent, le passé et le futur se confondent dans un troublant anachronisme. Tu ne sais jamais ce qui va arriver dans cette fuite du temps, la dissociation entre les actions et leurs images reflétées. Le temps n’est plus irréversible mais infini dans les mondes multiples qui se déploient en lui. Toujours le même vertige, la même sensation de passer à l’extérieur du temps.

Tu crois voir la réalité, mais ce n’est qu’une image. La lumière estompe les formes. La surface du bassin n’est plus un miroir, l’image sur l’eau ne présente plus le reflet de la réalité mais un espace indépendant. La notion même d’image spéculaire et de reflet n’est plus à l’ordre du jour. L’eau, détournée de son pouvoir de réflexion, devient écran, doué de profondeur, projection mentale. Un monde parallèle.

Tu le sais désormais les événements de ce monde sont éphémères, la réalité jamais perçue directement. Le temps qui passe, fait du visible avec de l’invisible.

L’homme observe son reflet, puis il disparaît. Une clarté, une échappée.

Au-delà de nous même, dans l’inconnu.

Les Bains Sutro à San Francisco :



J’en profite pour me faire l’écho de l’appel à contributions du prochain numéro qui sortira à l’automne 2016 et dont le thème est le suivant : L’âme des lieux sans âme.

« tours d’immeubles, bureaux dits « open spaces », centres d’appels, parkings de supermarché, zones industrielles, usines désaffectées, salles d’attente, cabinets médicaux, halls d’accueil, maisons abandonnées, rues, lotissements en construction, jardins publics, aires d’autoroute, chantiers en cours : lieux transitoires et fonctionnels, mais aussi lieux d’errance. Quand le quotidien s’enraille, pour qui sait regarder, les murs cachent d’autres murs, invisibles au premier coup d’œil. Derrière le banal se dissimulent la magie et le mystère. La vraie vie. Comme Alice, il nous appartient de passer de l’autre côté du miroir, pour que se révèle à nous l’âme des lieux sans âme ».




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