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Au lieu de se souvenir (Semaine 40 à 44)

Chaque mois, un film regroupant l’ensemble des images prises au fil des jours, le mois précédent, et le texte qui s’écrit en creux.

« Une sorte de palimpseste, dans lequel doivent transparaître les traces - ténues mais non déchiffrables - de l’écriture “préalable” ».

Jorge Luis Borges, Fictions


Il faut du temps pour que les mots nous éblouissent. Ce principe de liste qui, bien que juxtaposant des affirmations hétérogènes dans un ordre apparemment aléatoire, parvient à dresser un portrait et s’interroge sur la difficulté à se dire, à s’énoncer, à s’articuler avec les autres, avec le monde. Apprendre à revenir à la ligne, mais quoi pour nous y contraindre ? Et ces mots, dans un jour par-dessous le jour, volent librement, virevoltent avec toutes sortes de cris, quitte à revenir à la nuit dans leurs grandes phrases compactes.

Nos intérieurs écarquillés devant le monde qui s’assemblent. Révélation de ce que nous y projetons. Avec le regret que nous soyons maintenus à l’entrée sans pouvoir nous y déplacer. Ce qui est encore la meilleure façon de parvenir à se regarder dans son propre miroir. Avec autant de respect que de soif et de faim. Dans ce retour, parfois bouleversant, aux frémissements d’une existence vouée à la recherche du sens profond et caché des choses, une part d’évidente nostalgie. Laisser sa parole tout à fait libre de signifier ses désirs. Au petit jour, la lumière.

Le sentiment ambigu d’une envie de rouler sur une route sans fin. Comme si nous avions une angoisse de la solitude du lieu. Il faut sortir, et pour cela, avoir une raison de sortir, de commencer une journée. Pour écrire c’est la même chose. Un livre devient un autre lieu à chaque fois que nous le lisons. Pouvoir se délecter en pensée de chaque seconde qui nous en sépare. Le silence est une forme de courtoisie. Chacun semble quitter et soi-même et les autres. La frontière entre le ciel et la terre a disparu. Il nous reste l’éblouissement.

Séparé de toi, arraché à toi par des cours d’eau, par des villes, par des touffes d’herbe, par les circonstances, par des jours et des nuits. Je crois même qu’on ne se rend pas compte de la vérité et de la profondeur de cette évidence. Pendant ce temps dans une autre partie de la rue le voyage continue. Certains jours, on croit voir apparaître des formes dans les nuages. C’est comme raconter un film à un aveugle, commenter l’intrigue et l’image. Accélérer. Ralentir. Tourner sur soi-même pour que le monde autour devienne flou.


LIMINAIRE le 17/06/2024 : un site composé, rédigé et publié par Pierre Ménard avec SPIP depuis 2004. Dépôt légal BNF : ISSN 2267-1153
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