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Au jour le jour #7

VII

Temps gris, ciel blanc. À l’arrêt. Travail à la maison. Caroline reçoit un message pour aller manger de la Polenta Corse en banlieue parisienne. Avec Alice nous mangeons rue Marie et Louise. Pizza Diavola. Bière pression Moretti. Sur le canal les mouettes se battent pour un morceau de pain. Leur vol au ras de l’eau, leurs cris éraillés et rauques, sorte de hennissements ressemblant à des ricanements nerveux.

Je n’étais pas retourné à la Villette depuis longtemps. Je découvre en rentrant à la maison que le créateur de la Cité des sciences et de la Géode, l’architecte et urbaniste Adrien Fainsilber est mort à 91 ans. En remontant le Bassin de la Villette, les conversations des personnes que je croise. Au fond d’eux, malgré la fatigue, le bonheur. Elle est sortie de ma vie, bon débarras. Je suis amoureuse d’un lieu. Leur silhouettes se découpent en contrejour. Le risque vertigineux d’aller vers ce que je ne connais pas.

Éveillé ce matin, le corps dans la tension de la veille. Des images en boucle. Choses à faire, à ne pas oublier dont il ne reste rien au réveil. Tartines et confiture. Discussion au petit-déjeuner sur le sujet du livre lu d’une traite la veille au soir. Fascination et rejet. Replonger dans le passé des siens pour comprendre de qui elle est la fille. Quel est le sens d’une recherche de la vérité des origines qui passe par la fiction pour construire son identité ? Dans la rue un homme marche avec une chaise sous le bras.

Une femme qui suit une initiation pour grands débutants à la bibliothèque nous offre des invitations pour l’avant-première de la projection du premier long-métrage de son fils. Pour la France, de Rachid Hami. Trilles d’oiseaux dans le jardin ensoleillé. Le vacarme assourdissant d’une cours de récréation. Le monde est là maintenant, je sais qu’il n’attendra pas, ni moi ni personne. L’effroyable douceur d’espérer.

Dans l’encerclement tenace du monde. Prendre le métro un jour de grève. Commission poésie. Revenir dans le quartier où j’animais mes ateliers de création à Sciences Po. Même itinéraire. 53 Rue de Verneuil. 62 dossiers à examiner. Débats fructueux, échanges passionnants. Une journée entière à discuter création, poésie, édition. Sur le mur de notre salle, une œuvre du peintre Jean-Michel Alberola : Le seul état de mes idées. C’est l’autre jour qu’il s’agit d’éclairer. Le problème est la poussière du poème.

Appel téléphonique de Mathieu Brosseau. Je parlais de lui hier au CNL. Nous discutons de la mise en place prochaine d’une formation aux ateliers d’écriture pour les collègues des bibliothèques de Paris. Tout s’enchaine. Un usager appelle pour savoir si nous avons le livre Le moine qui vendit sa Ferrari à la bibliothèque. Aucun résultat trouvé. Je perds le début d’un chapitre sur lequel je travaillais en ligne suite à une mauvaise manipulation. Un raccourci inopiné, inapproprié. Tout est à refaire. Lot quotidien. La nuit sans limite du jour. Je me recouvre du silence des couvertures.

Sensation de ne plus sentir mes bras, collés le long de mon corps. Les phrases se répètent dans une polyphonie harassante, traînée brumeuse de fin de rêve dont je me réveille enfin, presque soulagé. La douceur du jour. Nostalgie de la pluie. Le présent perpétuel de l’actualité. Démon du ridicule. C’est toujours une alternance, frénésie et doute, enthousiasme et à quoi bon.

Au jour le jour : bloc-notes quotidien

Paris, le 14 février 2020

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