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Atelier d’écriture dans le RER C avec François Bon Samedi 2 avril 2011

J’ai toujours aimé les ateliers d’écriture itinérant, ceux que j’ai organisé à Paris lors de mes ateliers d’écriture sur la ville, le long du canal Saint-Martin, lors de la Tentative d’épuisement d’un lieu parisien : Place Stalingrad, ou avec les élèves de 6° et de 4° du Collège Valmy, écrire le long du Canal Saint-Martin.

« On vit quelque part : dans un pays, dans une ville de ce pays, dans un quartier de cette ville, dans une rue de ce quartier, dans un immeuble de cette rue, dans un appartement de cet immeuble. »

Un étage du RER C réservé pour écrire, le samedi 2 avril, de Tolbiac à Versailles-Chantiers et retour, en compagnie de François Bon dont le Paysage-fer nous accompagne au quotidien dans notre pratique ferroviaire, difficile de résister. Il fait grand soleil, on se retrouve tous (une quarantaine de participants, il y en a qu’on connaît, d’autres qu’on découvre) dans les souterrains de la gare de la bibliothèque François Mitterand. On nous remet du papier, des stylos. François Bon nous explique le principe de l’atelier. Le voyage jusqu’à Versailles-Chantiers dure une heure. Une heure d’observation, prise de notes, enregistrement, travail de captation et mémorisation des détails, des lignes de fuites, des perspectives sur la vie des hommes, en zoom de précision ou large focale.

« Alors on regarde, mais rien de précis. On est en soi-même, immobile, on cueille les pensées qui viennent, parce qu’on les laisse venir. »

Arrivée Versailles-Chantiers à 11h12. Dans le train retour (11h38, arrivée 12h41), on lit les textes à haute voix, on s’aide du plafond pour faire porter la voix jusqu’au fond du wagon, on met en partage. Et c’est un très beau moment d’écoute et d’échange.

Pour ma part, au moment de me lancer dans la lecture de mon texte, il me paraît évident qu’il faut plutôt que je lise une partie des tweets qui ont été envoyés par ceux qui sont connectés lors de cet atelier, mais également tout ceux qui suivent à distance l’atelier sur Twitter. La répétition du mot clé #RER C et des phrases retwittées créent une scansion et donnent à ce texte dont une très petite partie est de moi, un rythme qui me ravit.




« Il y a longtemps qu’on aurait dû prendre l’habitude de se déplacer, de se déplacer librement, sans que cela nous coûte. Mais on ne l’a pas fait : on est resté là où l’on était ; les choses sont restées comme elles étaient. On ne s’est pas demandé pourquoi c’était là et pas ailleurs, pourquoi c’était comme cela et pas autrement.
Ensuite, évidemment, il a été trop tard, les plis étaient pris. On s’est mis à se croire bien là où l’on était. Après tout, on y était aussi bien qu’en face. »

La gageure est de parvenir à rendre le jour même ce que l’on a écrit, pas simplement tout ce que j’ai noté scrupuleusement sur mon petit carnet que je retranscris ici, mais également, tout ce qu’on a photographié (le paysage qui défile et les participants à l’atelier écrivant et regardant à travers les vitres du train et les voyageurs aussi, surpris, amusés par ce dispositif original, noté via Twitter, et l’enregistrement sonore du trajet et des lectures au retour de Versailles-Chantier.

Pas le train de tous les jours, tous les jours qu’on prend le train, à force on ne voit plus ce qui se passe là derrière les vitres sales, aujourd’hui le soleil sur les vitres, les rires, les échanges entre passagers. On n’est pas dans le train-train quotidien, même lieu, même endroit mais à l’envers. Liste, liste, liste. Rideau d’arbres encore nus, on ne prête plus attention aux gares où l’on s’arrête, emporté loin aujourd’hui, ailleurs. Le soleil sur nos visages et ça commence. Il va faire chaud. Il faut choisir son camp. Droite, gauche, droite, gauche. Le long du fleuve qui défile, lumière aveuglante. Les arbres qui strient le regard. On clignote des yeux. Ça ne se dit pas, mais c’est écrit. Le train redémarre déjà, à peine s’il s’arrête, quand on écrit l’impression que plus rien ne s’arrête, tout en mouvement, avec le train, les images, ce rythme si particulier. Le printemps s’affiche partout, fleurs aux arbres. Grand ciel bleu et le train qui chavire, droite, gauche, droite, gauche. Au quotidien on ne fait plus attention au bruit du train qui nous berce. Le soleil nous donne envie de fermer les yeux, on les garde grand ouvert. Le voyage, dont on sait qu’il est court ne dure pas, a quelque chose d’exceptionnel. Ne se reproduira pas de si tôt. Une manière de voir ce trajet en train que l’on fait tous les jours depuis plus de 2P0 ans. Et même si ce n’est pas la même ligne. "Au pain tradition". À Juvisy, le nom de cette boulangerie retient notre attention, attire le regard. SUN EXOTIQUE. Hôtel du commerce. Agence de voyage. Ces enseignes on les oublie déjà, à la vitesse du train et de l’écriture. L’intérêt est ailleurs. Dans le mouvement, le lent balancement du train qui, associé au soleil sur nos visages, nous donne envie de dormir. Longtemps j’ai pris le train de bonne heure. Arrêt en gare de Savigny-sur-Orge. Plus longtemps que dans les autres gares on dirait. Et le bruit du signal de la fermeture imminente des portes du train. Il y a beaucoup de monde dehors, dans les jardins. Et dans le train aussi, le premier étage est plein, en bas, c’est vide. J’aime ce contraste.

Ce que j’aime dans cette opération, c’est aussi ce travail collectif, comme l’expérience que je mène en ce moment avec les étudiants de Sciences Po en leur faisant écrire, à partir des ateliers menés avec eux depuis le début de l’année, un récit collaboratif qu’on peut suivre en ce moment même sur Twitter, avec 18 auteurs et narrateurs d’une fiction en train de s’écrire en commun, prouvant bien qu’à l’ère du web, le texte s’émancipe de sa forme. Là, même élan, quarante points de vue en mouvement sur ce qui nous entoure, et cette envie commune d’« essayer de retenir quelque chose, de faire survivre quelques chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes. »

« On a du mal à changer, ne serait-ce que ses meubles de place. Déménager, c’est toute une affaire. On reste dans le même quartier, on le regrette si l’on en change. »

Je vous conseille la lecture des textes des participants sur place et à distance :

Ce qui s’est réellement passé dans le RER C, par François Bon.

Habiter le verbe partir, de Christophe Grossi.

Ligne C, de Nicolas Bleusher.

RER C, d’Anne Savelli.

Habiter, par Anne Savelli.

Géolocalisation des tweets écrits lors du trajet dans le RER C, par Sylvie Tissot.

Impressions RER C, de Pierre Cohen-Hadria.

Voyager ensemble – RER C, par Louise Imagine.

Pas présente à l’atelier d’écriture #RER C 1 samedi 2 avril, de Maryse Hache..

Compte-rendu en anglais par Chris Simon sur son blog Le Baiser de la mouche (The kiss of a Fly)

Extraits de : Espèces d’espace, Georges Perec, éditions Galillée, 1974/2000.


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