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Au lieu de se souvenir

Chaque jour, un film d’une minute environ, chaque lundi, la compilation du journal vidéo de la semaine précédente, et le texte qui s’écrit en creux.

« Une sorte de palimpseste, dans lequel doivent transparaître les traces - ténues mais non déchiffrables - de l’écriture “préalable” »

Jorge Borges, Fictions

Cet émerveillement par lequel tout a commencé. Si le chaos reste chaos, les plans tombent les uns sur les autres, au lieu de tomber d’aplomb. Éliminer la stratification de l’expérience. Faire et défaire l’obscurité favorable des miroitements. Manière de vouloir à toute force composer des ensembles avec des éléments qui à première vue n’auraient rien à faire entre eux. On est beaucoup, maintenant, vous savez.

Une information, c’est un ensemble de mots d’ordre. Tenter d’en restituer le rythme et la sonorité, sa violence et sa sauvagerie. Parades et rituels. Le cerceau tombe qui a tant roulé. A force de nier l’individu. Rien ne sera plus ici. Un murmure soit le poème. Défier l’aveugle par à-coups, arrêtée ici par les fusées, plus loin. On n’a pas encore eu le temps de les enlever. Personne ne veut chanter. Chaque nuit, les éclats sifflants. Comme une lucarne bleue. Tu as froid ? On dirait que rien ne vit, dans ce chantier. Et tout cela arrive, à son heure : il suffit d’attendre. On ne voit plus, on ne sait plus. Un visage comme si c’était le mien. Je l’adopte. Je m’y repose. C’était de n’y comprendre rien. Quelque part ça commence à n’être plus du jeu. Les songes épais des respirations.

Qu’est-ce qu’on va montrer aux gens ? Au début, on comprend, puis on tourne en rond. Lire la partition comme si on ne l’avait jamais vue. Pas d’imitation de soi même. Sensible aux états changeants du paysage, sa lumière autant que ses lignes. Les éléments s’enchevêtrent ou se confondent comme en témoignent les traces fossiles, les strates sédimentaires, les plis et les poussées telluriques. Le regard ne sert pas qu’à voir, n’est-ce pas ?

Dans le calme du lieu, loin du brouhaha de la ville. Le temps est venu de rattraper le temps. Les ombres se glissant sur les murs, entre les tombes, grimpant comme le lierre. Ces strates s’entremêlent, agissent les unes sur les autres, se confondent parfois. Parce que nous devons tous mourir ? Pas seulement, je crois. Parce que nous n’avons pas vécu comme il eût fallu et que nous continuons de le faire ? Oui. Sans doute plutôt cela. Il vaut mieux n’en rien dire de peur d’en dire trop. Rien que la main de la nuit qui tient et guide celle du jour.

Le bruit la lumière du monde qui est ton souffle. Ne plus rien savoir de la couleur des choses, du goût du parfum. Des éclairs colorés traversent le noir. Une force irrésistible m’appelle ailleurs. Ressentir ce mélange d’indifférence, d’ennui et de plaisir. Rassembler n’est pas figer. Je suis présent, je vous attends. Monter à l’assaut.Mais l’essentiel est ailleurs.

Stupéfaction face aux événements. Superpositions de calques, coupes franches, fractures de secondes. Interférences. Ce que le pouvoir ne pardonne pas et ne pardonnera jamais, c’est de pas jouer le jeu. Tu diras qu’on n’a plus de souvenirs. Confrontation des temps libres de la lecture, des temps imposés de l’écoute. Le lecteur chemine à son gré. Quelle belle vue l’on a d’ici, n’est-ce pas ?

Mémoires recroquevillées des balbutiements. Au moment où l’attrait principal est devenu la virtuosité. La richesse a disparu. Comme le sont aussi d’ailleurs les nuages ou les troncs des arbres. L’art c’est la seule chose qui résiste à la mort. Le rapport le plus étroit et pour moi le plus mystérieux. Ce qui résiste. Les premiers mots et les premiers rires. Il n’est pas commode mais les chemises de toutes les couleurs ont l’air drôlement heureux.


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