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Une exposition en rêve

Ce matin, au petit-déjeuner, comme à mon habitude, je consulte mon compte Twitter et je découvre ce tweet d’Emmanuelle Gabory accompagné de cette belle photographie : La nuit, je veux parler avec l’Ange.

Le visage de l’Ange, photographie d’Emmanuelle Gabory

Tout à coup, sans prévenir, une image me revient très nettement en mémoire, je mets quelques instants avant de comprendre qu’il s’agit en fait d’une séquence d’un rêve de la nuit précédente. Et toute la scène me revient en mémoire en buvant mon thé.

Dans la salle sombre d’un musée dont la structure me rappelle celle des Rodin du Palais de la Légion d’honneur à San Francisco, un ensemble de statues dont je m’attarde principalement sur les visages qui attirent mon attention.

Les visages sculptés des statues anciennes, de style et de tailles variés, avaient été modifiés par incrustation de visages modernes proches de masques au rendu réaliste.

Dans mon rêve, j’étais fasciné par ces visages et leur aspect composite, en partie marbre, en partie plâtre. Comme si on avait tenté de réparé les absences de ces portraits, les trous, les vides, par l’ajout de compléments (comme les fantômes en bibliothèque indiquent l’absence d’un ouvrage dans un rayonnage), mais au lieu d’être neutres, ces ajouts étaient incarnés, ils rappelaient leur visage d’un être vivant, masque mortuaire moulé sur le visage d’une personne morte récemment.

La Vierge inconnue du canal de l’Ourcq

Le masque mortuaire pose la question de l’empreinte, de la trace, de l’indice. « Le visage humain n’a pas encore trouvé sa face, » écrivait Antonin Artaud :

La vitesse n’est plus qu’une excuse pour éviter de pénétrer le cœur des choses. On ne sait pas où s’en va ce qui passe ni ce qui reste et comment se construisent nos demains. Je perçois sur son visage un brusque étonnement, comme s’il avait vu quelque chose d’inattendu, et j’ai la certitude que, en cet instant, il a ressenti la brièveté du temps. Ce surcroît d’abîme que lui ajoutent les questions. Un exercice de ventriloquie : prêter sa voix mais sans vouloir qu’on sache que que l’on parle. Jour blanc sur jour blanc jusqu’à ce qu’un vide se forme. L’attente d’un éclat, d’un éclair qui nous fait cette dimension d’humanité à venir. Je sens des vibrations qui parcourent le monde. Nous n’avons pas à nous soucier de ce que pensent les autres, nous ne collons pas avec eux. Mais surtout ne pas manquer de souffle. À quoi ça sert de remuer toutes ces vieilles histoires, sinon ?


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