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Journal versatile #6

Arnaud Maïsetti qui connaît mon intérêt pour les images provenant de Google Street View me signale cette trouvaille magnifique : Batman fait son jogging (Au 155 boulevard Henri Harpignies, à Valenciennes).

Capture d’image prise sur Street View à Valenciennes

Reprise des ateliers d’écriture Inventer la ville à Sciences Po Paris, pour les élèves de deuxième année. Cet atelier d’écriture propose d’explorer la ville à travers Google Street View et le monde qu’il dessine, et d’apporter un nécessaire regard critique, une analyse de la représentation des territoires qu’il nous propose. Google Street View est un révélateur de notre expérience du monde et, en particulier, de la tension paradoxale entre notre indifférence quotidienne aux choses qui nous entourent et notre incessante recherche de connexion et d’interaction.

« Occuper, vivre l’espace, le vécu vient est pris, il ne s’agit pas d’un collage, mais d’une trame, hymne. Regrouper les données, qu’elles se pressent (s’esquissent, se renouvellent, nous vivons, le temps « marche », notre intérêt ne faiblit il change) contre la plaque sensible, l’œil et la plus insistent...

Non pas raconter sa vie, mais comprendre : comprendre « grâce » à sa vie. »

Hubert Lucot, Travail du temps, Carte blanche, 1985.



J’ai lu en ligne sur Remue.net un texte intense d’une grande justesse sur un sentiment actuel, la difficulté de faire face aux événements et de parvenir à assumer nos peurs, à exprimer nos douleurs : La poussette Potemkine, de José Morel Cinq-Mars :

« Je vais bien mais
Comme le nourrisson de Ferenczi : « je sais tout mais je ne sens rien ».

Je vais bien mais Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Je m’embrouille dans mes rendez-vous. Je me cogne aux meubles. Je fais tout de travers : je jette les bouteilles dans le bac papier et le papier dans le bac pour le verre, je laisse bouillir le café, le lait déborde, les casseroles brûlent, je casse mes lunettes. Je me perds dans mon quartier. À pied. Je suis incapable de passer un coup de fil. La valise des vacances qui approchent reste désespérément vide. J’ai des rêves agités dont je ne me souviens pas au matin. Je passe des heures paralysée devant mon écran d’ordinateur.

Je vais bien mais
Je ne suis pas triste, je n’ai mal nulle part, je n’ai pas envie de pleurer, je ne fais pas de cauchemar. Juste, j’ai perdu « mon nord ».
Me trouvant si désorientée, une amie s’agace « Mais enfin, pourquoi y es-tu allée ? » Je ne trouve rien à répondre. Sa question me laisse vaguement honteuse et coupable. Mais de quoi ?

Je vais bien mais
Sentiment intime de catastrophe.
Quelques jours plus tard, un autre ami s’exclame : « Ne cherche pas. Tu es traumatisée, voilà ce qu’il y a ! » Traumatisme. Le mot fait mouche. Il me ranime. Je peux enfin penser : « J’ai peur. »

Un souvenir me revient en mémoire. »

Sombre poésie de ces photographies d’un noir et blanc profond, images volontairement décadrées, floues, tremblantes, dont le grain et la lumière si particulière assurent une espèce d’incertitude fragile et poétique, une beauté trouble aux êtres fantomatiques égarés que la photographe approche complice.

« Gabrielle Duplantier développe une recherche intimiste, écrit Claude Nori, pour mettre à nu la pureté d’un visage, la sensualité des formes, la puissance de la lumière, le mystère de la vie planqué sous les apparences de ses personnages souvent féminins égarés dans des chambres exiguës ou des paysages improbables à la recherche de leur identité. »

Photographie de Gabrielle Duplantier

Il y a d’autres paysages quand quelqu’un les voit à travers les fenêtres de son propre cœur ou quand avec ce cœur la route elle-même est compromise.

En 1965, John Cassavetes est interviewé dans sa maison sur les hauteurs de Hollywood pour Cinéastes de notre temps, par Hubert Knapp et André S. Labarthe.



« Tu aimes cette ville ? Non ! Vraiment ? Trop grande ? Trop peu d’humanité... Trop inhumaine... Tout se fait sur rendez-vous... On vit sur rendez-vous... Il faut un rendez-vous pour voir qui que ce soit. C’est une barrière... Il n’y a pas de vrai contact. Ce ne serait pas un bon sujet de film, tout ça ? Oui, mais pas pour moi. Pour un étranger alors ? Il serait sans doute fasciné mais moi je n’aime pas ce genre de paysage... ni les lacs, ni les torrents, ni les fleuves... Je laisse ça aux poètes. »

Ce dialogue me fait penser au film Collision de Paul Haggis en parlant de Los Angeles. Dans cette société qui vit désormais dans la peur de l’autre, les relations humaines sont devenues complexes. Comme le souligne l’inspecteur Graham (interprété par Don Cheadle) ce qui compte c’est le sens du toucher... dans toutes les villes du monde, les gens marchent, se frôlent, se touchent, partout, mais pas à L.A., où l’on ne se croise qu’en voiture. Alors parfois, les gens se rentrent dedans, rien que pour se sentir. Le seul moyen d’entrer en contact avec les autres est le crash, la collision brutale.

Parc des Buttes-Chaumont, Paris 19ème

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