Chaque mois, un film regroupant l’ensemble des images prises au fil des jours, le mois précédent, et le texte qui s’écrit en creux.
« Une sorte de palimpseste, dans lequel doivent transparaître les traces - ténues mais non déchiffrables - de l’écriture “préalable” ».
Jorge Luis Borges, Fictions
Toujours loin, je repars. Rien de nouveau ? Je finirai par oublier et peut-être qu’un jour je penserai comme les autres. C’est toujours cet instant qui s’arrache à lui-même, et toi avec. Je me cache maintenant sous les sangles, les doigts me couvrent, les jours passent, je rate toujours la même marche. Le monde est fait de gens qui partent. Il y a un moment où l’on ne peut pas aller plus loin sans créer une monotonie. Il faudrait mêler la prudence et l’imprudence, la pertinence et bien des formes d’impertinence. Faire entendre une musique sous le silence. L’air circule dans la maison avec la chaleur dans le vent, sa douceur. Finissons-en. Tout est fini. Nous sommes dans le futur.
Le décor est toujours à peu près le même, mais c’est la dernière scène, une des dernières puisqu’elle se répète, je les fais se répéter. En boucle. À temps plein, chaque phrase, l’une après l’autre. En marchant le matin, je laisse venir son tournoiement tandis qu’elle se diffuse dans mon corps. L’impression d’une grande évidence, comme d’un discours spontané ou improvisé. Une chanson aux paroles rassurantes. Je continue, ce qui va se répéter jusqu’à épuisement dans les lieux de la nuit, je n’aurais pas dit un mot à tout même au pire. Ces reflets de lumière qu’on voit surgir dans la pénombre. Le temps passe à l’envers.
Nous ne nous laisserons pas faire. Perdus dans le reflet des vitres, où le monde se dévide par saccades. On écoute ses bruits. Sans les reconnaître. Des formules enfouies et des pensées enfuies. Des souvenirs, des oublis. Le temps reviendra de l’ombre fraîche et des nappes étendues sous les chênes. Dans un monde qu’on construit ensemble, comme enfants quand on conjuguait nos énergies pour imaginer des univers où on devenait autre. L’imprudence n’est pas une ligne droite. La mer monte. Les pensées viennent par vagues. On pourrait disparaître. Mais rien n’arrive. L’enfance est une mine d’impressions sensuelles et d’émotions fortes, ce n’est pas le reflet d’un paradis perdu.
Un autre jour le sang était récent, il coulait des blessures ouvertes. Quelques mots répétés, toujours les mêmes. Une épiphanie de l’équilibre. Dans la fraîcheur du silence. Comme si un souvenir enfoui au fond de nous avait soudain été libéré. Peser sur les limites, toucher à l’absolu. Le visage est familier mais étrange. À l’intérieur des images continuent à passer devant les fenêtres avec cette couleur bleu impossible à garder. Montée d’une marche dans des escaliers sans fin, mains posées sur le bord, dans une sorte de sècheresse. Courbes et projections. On ne sait plus ce qu’on voit, on ne sait plus ce qu’on a vu. Trouver sa liberté dans cette mobilité. La mémoire de l’appareil est pleine.