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Atelier d’écriture en ligne : écriture et photographie #2

Approche :

D’abord le texte :

« Chaque regard porté sur le paysage intègre les traces de l’existence passée, écrit Raymond Bozier. Nous voyons bien plus que le présent du réel nous donne. » Le regard que l’on porte sur le monde au travers des fenêtres qui cadrent un état du monde, la vision qu’on en a depuis sa maison, une chambre d’hôtel, la vitre d’un train, d’un métro.

Composé d’une suite de trente-six courts textes dans lesquels un narrateur solitaire se tient derrière des fenêtres, ce livre n’est pas un pêle-mêle d’images figées, c’est bien au contraire son unité dans la mobilité qui retient l’attention (le narrateur voyage, de La Rochelle à Paris, de Bordeaux à Chambéry, de Rome à Madrid), celle d’un regard d’une rare acuité. Fenêtres sur le monde dénonce en effet, avec une rare détermination, l’assujettissement au règne des images formatées qui nous fait oublier qui nous sommes, qui nous abreuvent d’histoires qui nous ravissent de notre mémoire propre. »

« Pourquoi les lieux sans qualité viennent-ils toujours à bout des réticences de ceux qui les occupent ? Pourquoi les résidents refusent-ils souvent de reconnaître leur laideur quand les passants occasionnels n’ont aucune peine à l’admettre ? C’est qu’à la longue, les lieux de résidence (contraints ou choisis) et leur environnement finissent toujours par impressionner la conscience de l’habitant, par devenir comme un autre soi-même, des sortes de corps extérieurs dans lesquels on s’est réalisé (ou défait) jour après jour, où l’on a joué son existence. Le frottement à la matérialité des choses, l’usure de la vie et la mémoire du temps révolu constituent quelques-unes des raisons qui font qu’on retrouve souvent avec émotion les anciens lieux de ses souffrances ou de ses bonheurs.

Il y a aussi que nous ne nous installons jamais innocemment quelque part. Les lieux nous habitent autant que nous les habitons. Et nous les supportons de la même manière que nous nous accommodons des corps qui envahissent les trottoirs à heures fixes, de la pluie qui tombe, des bruits, des mouvements, des pollutions, du mobilier urbain, des objets divers, des chats, des chiens… et même des rats. Nous nous laissons d’autant plus facilement corrompre que notre vue est porteuse, sans que nous en ayons directement conscience, d’une masse d’informations anciennes, de sensations fugitives, de bonheurs éphémères, de souvenirs… Chaque regard porté sur le paysage intègre la mémoire – les traces – de l’existence passée. Nous voyons bien plus que ce que le présent du réel nous donne, et le poids de cette réalité invisible pèse sur notre conscience comme le désert pèse sur le regard du bédouin, la neige sur celui de l’esquimau… »

Photographie : Denis Roche

Extrait :

« Métro aérien,

10 avril 2003, 19h45,

après l’enregistrement

d’une émission de télévision

Je suis assis près de la fenêtre. Le train surplombe le boulevard Auguste-Blanqui. Il circule en direction d’Étoile. Le ciel nuageux a des couleurs lumineuses d’après pluie. Passée la station Glacière, une double rangée d’arbres apparaît. La perspective est lumineuse. Les feuilles tendres ont des reflets d’or vert. On est à hauteur des feuillages, presque comme des oiseaux. La descente vers un tunnel nous rapproche des troncs, puis de la rue. Nous voici de retour dans la ville. On s’y enfonce même. On aperçoit un feu rouge à l’entrée du souterrain, les lumières de petits néons qui reviennent régulièrement comme des traînées blanches, des câbles accrochés à la noirceur de la paroi. On croise un autre train. Une rupture électrique provoque un flash d’obscurité. »

Fenêtres sur le monde , Raymond Bozier, Fayard, 2004, pp.145-146.

Proposition d’écriture :

Fenêtres d’appartement, d’hôtel, de restaurant, de gare, d’ordinateur ou de téléviseur (cette autre fenêtre "qui contient toutes les fenêtres"), pare-brise, fenêtre de son lieu de travail, de la maison le matin quand on ouvre les volets, vitre du métro, du train, quand on regarde filer à vive allure le paysage distrait, autant d’images qui viennent du dehors, qui nous impressionnent. Les fenêtres cadrent un état du monde. Restituer par le biais de phrases concises, impressions détachées, fragment autobiographique, réflexion esthétique ou philosophique, sur des lieux dont le trait commun est leur banalité, le regard que l’on porte sur le monde.

Proposition travail photographique :

Les fenêtres cadrent un état du monde. Réaliser une série de photographies en utilisant le cadre de la fenêtre. Essayer de photographier différentes sortes de fenêtres pour voir comment celles-ci dans la répétition du motif. Pour vous aider dans votre approche créative, quelques œuvres sur ces thèmes.


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