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En souvenir de Maryse Hache
Magnolia, Maryse Hache

« offrandes et libations miel pain fleurs et eau fraiche vers qui invite

splendeur émouvante de se sentir appelée

ça chante pinsons et merles ça s’agite abeilles et papillons ça pique en bouquet d’ortie

à moi la vivance de la langue à moi les grandes bêtes venez à la visite ça crie dedans avec livrées sauvages ça cavale muscles et foulées dans les hautes herbes

de grands pans pivotent ouvrent à de la vastitude nouvelle de grands portes métalliques s’élèvent et donnent sur rien mais l’horizon

ça tresse des courbures de panier ça cueille des fraises au bois »

Le jardin de Maryse Hache à Orsay, le 26 juin 2011

Je me souviens de chacun de ses textes écrits lors des ateliers d’écriture que j’ai mené à l’occasion de ma résidence d’écriture, sur la ville, qui fut l’endroit de notre première rencontre. Sa voix lisant son texte …pur … résolument pur…

« déjà dépassé l’église — mais le cerveau roule aussi — pas vu ce "pleure pas gos bêta etc. — qu’y avait-il à la place — pas de retour possible — faire avec le peu faire avec les bribes les brimborions les brindilles —tiens déjà la rue brézin salut mon père la rue daguerre salut varda monoprix une femme à vélo enfant sur le porte-bagages attend derrière le bus

je retourne la tête — pas sûre — l’ai reconnue — va sûrement passer entre le bus et le trottoir — tourne toujours la tête — ah /oui / c’est elle / le lion de belfort / un coup d’œil sur la gare du RER / la file allongée très allongée encore allongée des désirants aux catacombes / sur gauche les taxis / le panneau d’interdiction de tourner à gauche /

l’ai vu le panneau au pied du lion ? — mais voiture longe déjà le bâtiment des aveugles / l’hôpital … l’hôpital … / pas de vérif possible »

Et les images et son cut-up lors de la dernière séance de l’atelier. Son bouquet de fleurs qu’elle m’avait offert à la fin. Ces moments d’écriture et de partage.

Lors de la Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, sur la Place Stalingrad ou du travail sur le théâtre d’enfance à la ville également, dont on retrouve l’ensemble des textes écrits dans le recueil Un lieu / un lien.

Le jardin de Maryse Hache à Orsay, le 26 juin 2011

Je me souviens d’elle...

« à vienne dans un "heurige" où le vin blanc me buvait à volonté jusqu’à me jucher une balançoire dans la tête à st aubin où le soleil où le foin pour dormir dans la grange avec les moutons et où l’amour dans l’odeur du feu de cheminée à st brévin-les-pins où le coquillage quand je m’étais jetée dans la mer main en avant avait entaillé la paume de l’une d’elles et que ne voulais que personne ne s’occupe d’une piqûre de tétanos fors mon papa à paris dans une galerie où j’ai découvert subjuguée élégie à la république espagnole de motherwell à dampmart où j’ai beaucoup dansé avec toi à séville où la célèbre chanteuse avec micro pour être entendue sur cet immense plateau et dans cette tout aussi immense salle en plein air de l’exposition universelle a repris son chant interrompu un instant par une panne d’électricité mais a capella et au son des olé de la foule en joie à châtenay-malabry où le père s’est endormi le jour des amoureux à lalinde où elle m’a demandé de tenir le lapin pendant qu’elle le saignait à pontempeyrat où je me suis couchée dans le lit caillouteux d’une rivière pour profiter de la course des eaux sur ma peau dans la lumière de l’été et le silence des rives à bruxelles où je suis entrée dans l’armoire d’oscar au musée des beaux-arts à rome où le café sur les terrasses au soleil à paris à la bibliothèque ste geneviève sartre les mots à vatan où la 2CV passait presque tous les étés sur le chemin des vacances à monaco où la daurade se mangeait en terrasse au soleil au poivre blanc et au vin blanc à ithaque l’odeur des fleurs jaunes à st malo tout à côté où comment -et je montais pour la première fois- le cheval mangeait et mangeait et mangeait encore les ombelles odorantes du fenouil juste avant qu’il me conduise sur la plage le long des vagues à verchères où je ne sais rien que le nom dans l’enfance à berlin où l’on s’assied aux longues tables communes des cafés sur les trottoirs et où l’on bavarde au cap-gris-nez où jamais fous de bassan aussi nombreux n’ont fait entendre leurs cris de crécelle rugueuse à mes oreilles »

La maison de Maryse Hache à Orsay, le 26 juin 2011

Maryse se présentait ainsi : « une femme lisait vvedenski trad andré markowicz conversation sur une course dans une chambre

ça a fait hop ça s’est dressé dans l’herbe

une enfant courait son corps dans une ville / un jour son corps et elle lurent / jusqu’en chaldée /

un jour son corps et elle écrivirent / jusqu’aux étoiles

le texte ne court pas c’est elle qui court dans le texte hors du texte dans le texte

une femme courait dans un des astres / ce n’est pas un astre qui court/ c’est elle qui court dans un des astres /

du lire / de l’écrire »

Page Maryse Hache, revue d’ici là n°6

Maryse Hache est l’auteur d’Abyssal cabaret, diffusé chez Publie.net, elle m’a fait l’amitié de participer à trois reprises à la revue d’ici là, le n°1, le n°6, le n°7 et le n°8.

Alors que nous nous étions réunis à la maison, à Paris, avec quelques amis (Anne Savelli, Pierre Cohen-Hadria, Christophe Grossi, Pierre Baldini et Magali Joanelle) pour fêter la sortie du numéro 6 de la revue d’ici là consacré au thème de la création : L’immobilité de celui qui écrit met le monde en mouvement Maryse m’avait offert le livre d’artiste qu’elle venait de publier à l’occasion de sa lecture à deux voix avec Clémentine Célarier : ton éternité de mimosa.

Je n’avais jamais rien lu d’aussi beau sur ce sujet depuis le livre de Philippe Rahmy : SMS de la cloison.

Je relis ce matin ce beau texte, ouvre la petite boite fermée d’un ruban gris qui renferme les pages volantes du livre, et je me souviens de Maryse alitée, parlant avec Anne et moi, du spectacle qu’elle admirait derrière la fenêtre de sa chambre chaque matin, au levé du soleil.

« réciter la leçon

de la toile d’araignée du terrier de renard et de l’édredon du chat

des gouttes de rosée de la livrée rousse et du bleu des plumes

creuser le spectacle du monde

et ramasser le café moulu
dans le petit tiroir du moulin

les mouettes passent

cochin est à cherbourg

le soleil

dort

sur le platine

dans la lumière des chemins de veines rencontre la cible frappe sec le printemps refleurira »

Avec Anne Savelli, Joachim Séné, Caroline et mes filles, Alice et Nina nous avions passé l’année dernière, en juin, un dimanche après-midi idyllique dans le jardin extraordinaire de Maryse, sa si belle maison. Nous en gardons tous un souvenir ému, et paisible. Comme si le temps parvenait dans ces rares moments, à s’arrêter sans qu’on s’en rende compte, à nous surprendre et suspendre son vol un instant, pour nous permettre de vivre intensément, dans la lenteur de gestes amicaux, de tendresse et de plaisir. Le bruit de l’eau dans le bassin, le vent léger dans les herbes hautes du jardin à l’ombre des grands arbres, la chaleur du soleil caressant notre peau, et les rires et les conversations entre amis.



« poésie préposition

préposée à vivre

jusqu’à ce que mort s’en suive

je dis oui à mort et

vivre

avec lire-écrire-lire

et vous »


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