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Exposition photographique Les Douches La Galerie

Hervé Guibert commence une collaboration au journal Le Monde qui publiera ses chroniques sur l’actualité photographique et culturelle, entre 1977 et 1985. L’Image fantôme, son essai sur la photographie, qui prolonge cette réflexion sur la photographie comme fait d’écriture, est paru aux Éditions de Minuit en 1981.

La photographie d’Hervé Guibert ne documente pas, elle recrée, elle réinvente l’instant avec un noir et blanc qui déréalise ce qui est saisi, comme l’écrivain l’écrit dans son recueil d’articles sur la photographie [1] : « La photographie est une fausse valeur du réalisme car rien n’est plus irréaliste que le noir et blanc, qui n’existe pas dans la vie, qui est une dissociation machinale. »

Ce qui fascine dans cette exposition, c’est cette impression saisissante d’une proximité quasi immédiate avec leur auteur, d’une complicité avec l’univers d’Hervé Guibert, en effet, dès la première image, on entre au cœur de l’intimité de l’artiste : une salle de bain, le corps du photographe dissimulé derrière la paroi vitrée d’une douche, laisse entrevoir son corps et son visage, une chambre où s’expose l’écriture d’un texte en cours, une bibliothèque dont les livres semblent protégés par une collection de cartes postales reproduisant des œuvres d’art, une galerie de portraits (peinture, sculpture et photographie).

Planches-contact, Hervé Guibert

PLANCHES-CONTACT

« Sans parler des grands désastres de réglage, de mauvaises distances ou de mauvaises expositions, le premier mouvement, le premier réflexe, c’est la déception : « ainsi je n’ai vu que ça, voilà où m’ont mené toute cette tension et toute cette gesticulation, à ces petits rectangles 24 x 36 qui souvent ne me disent plus rien. » Les photos que j’imaginais les meilleures sont ratées, et celles auxquelles j’imaginais le moins d’avenir sont parfois assez bonnes. L’appareil m’a eu, encore une fois il n’est pas à ma hauteur, trop haut ou trop bas par rapport à ce que j’attendais de lui. Ou je suis un mauvais technicien, ou il est le mauvais médiateur. »

L’image fantôme, Hervé Guibert, Les éditions de Minuit, 1990, p. 78.

L’agencement des photos de petit format dans la galerie, nous invite à la déambulation patiente et parvient à raconter une histoire, à restituer une atmosphère, à décrire une époque (les années 80), à travers les lieux de l’espace domestique (de l’île d’Elbe à son appartement de la rue du Moulin vert à Paris) et des objets (une chouette empaillée, un livre de peinture ouvert par terre, une constellation de billes de tailles variées disposées sur une toile de drap, un cadre vide, une montre, un volume des œuvres complètes de Kafka dans la Pléiade, des peluches enlacées au dos d’un tableau, un papillon épinglé sur un mur nu). Cette exposition nous fait entrer, discrètement, sensiblement, dans l’intimité d’Hervé Guibert.

« Les écrits autobiographiques d’Hervé Guibert paraissent, à première vue, rendre compte des réalités quotidiennes d’un individu plus ou moins différent des autres. En effet, ils présentent des portes dérobées qu’ouvrent les jeux de la vérité de la fiction. Par ces portes, le lecteur se fait emporter jusque dans un univers singulier où il n’est plus un simple spectateur, et où il établit une relation privilégiée avec l’auteur. » Ce lieu littéraire, Mana Naito l’appelle un univers d’intimité dans son livre au titre éponyme, paru chez L’Harmattan.

Autoportrait, Hervé Guibert

LE RAYONNEMENT FROID

« T. me raconte que lorsqu’il était enfant il devait retourner les photos des visages et des corps qu’il aimait, les cacher, comme par insupportabilité, dans le sentiment d’un rayonnement froid qui ne pouvait lui être d’aucun secours. »

L’image fantôme, Hervé Guibert, Les éditions de Minuit, 1990, p. 163.

L’itinéraire du voyage que le visiteur de l’exposition expérimente à travers une quarantaine de tirages du photographe, est proche de celui de ses textes autobiographiques, même si elle développe une narration plus intime qu’autobiographique avec ses jeux sur l’ombre et la lumière, ses objets familiers comme autant d’indices qui forment son portrait en creux, en réserve, ses livres et les images de sa bibliothèque, sa chambre et les échos de son écriture, des images en train de se créer, le travail des jours et des nuits, ses autoportraits comme les portraits de ses proches qui traversent ses livres, ses intimes, de l’autre côté du miroir photographique.



Hervé Guibert, De l’intime, Les Douches La Galerie (5, rue Legouvé 75010 Paris), du 24 janvier au 14 mars 2020.

Ouvert du mercredi au samedi de 14h à 19h ou sur rendez-vous

[1Hervé Guibert, La photo, inéluctablement, Gallimard, 1999.


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