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Lecture d’un extrait du livre de Claude Favre paru aux éditions LansKine

#Unpoèmede, une proposition collective initiée par Marie-Anaïs Guegan et Charlotte Hiver : le 10 de chaque mois, sur un même poème, plusieurs adaptations vidéos sont proposées.



Imagine. Il existerait un peuple sans origines, sans mythes d’origine. Un peuple vaguant. Qui rêve. Ne se rêve peuple mais rencontres d’hommes conversant. Sait que les mythes sont mythes. Ne s’inquiète de sa venue au monde, mais de ce qu’il fera dans ce monde, de ce qu’il fera pour honorer sa venue au monde. Imagine des mots sans mesure, hors zone, sans baratins, de métamorphoses et surprises. Des mots d’hommes, non de soif de pouvoir, des noms sans étiquette, qui ne veulent poser je suis le, je suis premier, je suis d’origine, imposer j’ai le pouvoir, supérieure je suis femme, je me vengerai, je suis d’origine. Des mots sans slogans qui sont armes de guerres, des mots ivres par goût et liberté, ivres et heureux de dire de vergogne, je veux danser.


Et puis les invasions, les soumissions, les colonisations, coercitions, massacres. Les tortures. Les corps foutus. Les fuites, des alliances petites choses, les grimaces sociales, les pertes de soi, les oublis de soi. Souviens-toi de la perte de tout. Jarrets rompus des chevaux.


Imagine. Sur la longue route. Qu’on ne puisse, ni les poursuivre ni les emprisonner, ne pas lire leurs traces, que nul autre que des leurs ne puisse les suivre. Nuit est leur nuit. Trajets tatoués sur les corps et, sur la longue route, en grande silence. En marche, rompus, de marche longue fauves, boitant, un chien pelé trousses, rossignol aux lèvres, et certains jours du souvenir, des rires. On ne rêve pas toujours sur les routes. Parfois on chante.


On marche, marche, dans les savanes marche, dans les déserts, marche dans les forêts marche. Derrière les rochers, à hauteur d’arbres, un fruit à la bouche, sauvés des barbelés, parfois et avec un quelque chose de triste, perdus parfois. Parfois si vieux, en dérouter le temps, parfois enfant aux mémoires tailladées. Courant dans les villages, volant des poules parfois. Tristes parfois.

Ceux qui vont par les étranges terres les étranges aventures quérant, Claude Favre, Éditions LansKine


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