| Accueil
Séance 246

Proposition d’écriture :

Écrire des nouvelles très courtes à la façon d’instantanés qui décrivent, avec acuité et jubilation les légers ou grands troubles de nos âmes, dans un monde énigmatique et poétique, composé de silhouettes étranges.

Chronique du cirque dans le désert, Xavier Bazot, Publie.net, 2008.

Présentation du texte :

Une vingtaine de nouvelles très courtes à la façon d’instantanés qui décrivent un monde énigmatique et poétique, composé de silhouettes étranges. Voilà comment François Bon décrit l’ouvrage de Xavier Bazot. Vingt-neuf récits qui fouillent avec acuité et jubilation les légers ou grands troubles de nos âmes. Xavier Bazot raconte avec force, justesse et précision – il n’y a jamais un mot de trop – la réalité d’un monde en décalage. Il le fait à sa manière : en distordant la syntaxe, en triturant la phrase, de façon à accentuer encore plus ce décalage. Chronique du cirque dans le désert de Xavier Bazot a été publié originellement au Serpent à Plumes, en 1995 et réédité en 2002.

« Ces êtres de l’ombre, écrit Bertrand Leclair, qui nichent dans les interstices de la société contemporaine, Xavier Bazot ne les ramène pas à la lumière comme font par exemple les documentaristes braquant les projecteurs sur leur sujet ; jamais il ne plaque ses propres mots sur ses personnages. »

Extrait :

« Envers la deuxième de mes amies je me conduis mal. Amante d’un intime, dont je recueille aussi les secrets, elle s’ouvre à moi des imperfections de sa liaison, et suggère que je la ravisse. Je n’en fais rien et attends. Mon ami se détache d’elle, elle décide ma nonchalance à nous transporter sur une île, où nous passons des heures charmantes, sans une ombre.

Épris de purs concepts, j’ai l’idée d’interrompre notre béatitude. Tout à trac, sur un rocher, face au soleil qui décline, je proclame n’aimer personne. Elle fond en larmes, se tord comme si des balles la lacéraient. Nous battons en retraite. Je la soutiens, qui s’effondre dans les galets, me voue aux gémonies et se roule dans les algues.

Pure ineptie que m’être lassé d’elle ! Quand rien ne va plus, je me promets de recouvrer son affection.

J’aggrave notre malentendu : sous ses yeux, chez elle, dans son lit où nous dormons tous les trois, je fais l’amour à la troisième de mes amies, laquelle je poursuis d’une vive passion.

*

Si elle venait me chercher, si j’étais marié je quitterais ma femme, si j’avais des enfants je les abandonnerais et je suivrais la troisième de mes amies. Suite à mes amours adolescentes mon cœur hiberne. En elle je m’éveille une deuxième fois. Je l’accable de violettes dérobées dans des jardins en friche. Je serre ses mains et la fixe au fond des yeux. Me dessert tant de fougue. Étouffée sous mes professions, ma troisième amie prend ses jambes à son cou.

Une éternité s’envole sans que nous nous retrouvions. Quand rebondit notre aventure, qu’au grand dam de ma deuxième amie, sous la poussée de la vodka nous retombons dans les bras l’un de l’autre, s’est édulcorée ma joie, qui me submergeait quand j’offrais mes violettes. Je découvre son corps, épanoui comme celui d’une femme de trente ans. Subsiste-t-il un peu de la gaucherie qui m’a tant gouverné ? Mes mœurs de petit garçon s’effarent-elles de sa chair gigantesque ? À semer ma candeur, ai-je perdu ma tendresse ? La troisième de mes amies à ce moment aurait besoin de moi. Je me contente de regagner ma province, où souvent je pense à elle.

Elle voyage maintenant. Averti d’une de ses escales, je me précipite et la surprends à son arrivée. Elle se plie à ma présence comme on accepte un temps de saison. Je lui suis aujourd’hui étranger, ainsi que le papillon à la lampe. »

Chronique du cirque dans le désert, Xavier Bazot, Publie.net, 2008.

> Présentation de l’auteur :

Xavier Bazot est né à Bourges le 15 décembre 1955. Depuis toujours il sait qu’il veut écrire. Après des études de lettres, il sera responsable d’un centre d’hébergement d’urgence chez Emmaüs, et passera deux saisons avec les gens du cirque. En 1985 il se consacre uniquement à l’écriture. En 1991, il a obtenu le prix de la ville de Saint- Quentin à l’occasion du festival de la nouvelle. Il a publié : Tableau de la passion, 1990, éditions P.O.L. Chronique du cirque dans le désert, 1995, éditions Le Serpent à Plumes. Un fraisier pour dimanche, 1996, éditions Le Serpent à Plumes. Stabat Mater, 1999, éditions Le Serpent à Plumes.

Liens :


Article de Jean-Claude Lebrun dans L’Humanité

Articles sur les livres de Xavier Bazot sur le site de la revue Le Matricule des anges

Présentation du livre Camps volants sur le blog de Lignes de fuite


LIMINAIRE le 28/03/2024 : un site composé, rédigé et publié par Pierre Ménard avec SPIP depuis 2004. Dépôt légal BNF : ISSN 2267-1153
Flux RSS Liminaire - Pierre Ménard sur Publie.net - Administration - contact / @ / liminaire.fr - Facebook - Twitter - Instagram - Youtube