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Deux temps, trois mouvements #3

Le temps presse et je paresse. Fière allure, dans l’insouciance du rythme la vitesse suffit parfois à combler les vides, les trous. « Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau. » Mais le train soudain ralentit, il poursuit son chemin à son rythme, en roue libre. Sa force d’inertie. Et s’arrête au hasard, ici une gare, sur le quai désert, à l’ombre d’un vieux tilleul. Cette attente paisible forme une parenthèse inattendue et salutaire. Des personnes sur la voie entre Combs-la-Ville et Melun. Je reprends ma respiration. Le temps suspendu. Dans prose, il y a repos.

Je te le dis, tu vas mourir, je te le dis, je te le dis, vient un jour où surgit en elle ce que savent, et ainsi donc sous une lune d’albâtre, jusqu’à ce qu’un cri immense traverse la nuit : « Va au diable avec tes chansons ! » Vient un jour où surgit en elle ce que savent (ou croient savoir) les autres de ce nous. On s’arrange mieux de sa mauvaise conscience que de sa mauvaise réputation. Les mots restent suspendus comme des cristaux dans la nuit glacée et blanche. L’amour se cache par son excès. Dans les films, tu n’as fait que mimer des chanteurs en play-back, aussi épargne-moi ce bruit d’enfer. On s’embarque dans des raisonnements qu’on est obligé de couper court, à cause de leur ridicule, si l’on vient à se réveiller et à s’écouter. Non comme on regarde un fonctionnaire qui discute de questions difficiles. L’effort qu’on se fait est si violent qu’on a l’air froid. Mais comme on regarde quelque chose qui empêche de dormir et dont on ne peut arriver à comprendre la signification. Ce que nous savons de nous-mêmes, ce que notre mémoire en a retenu, est moins décisif qu’on ne pense pour le bonheur de notre vie. Je te le dis.

Auteur fictif, j’ai hésité. J’aurais dû. Pas poète, écrivain non, même si au fond c’est bien de reconnaître son inutilité, pas romancier, ce n’est pas mon genre, artiste, trop vague. Auteur, j’aime bien pour la hauteur justement. Le point de vue. Cet auteur fictif n’est pas choisi au hasard, d’un texte réel à un auteur fictif. La critique ne dit rien de bon tant qu’elle ne se figure pas toute l’indétermination de l’auteur. C’est-à-dire le rapport qu’il a avec son œuvre. Le rapport de l’œuvre à l’auteur est une des choses les plus curieuses. L’œuvre ne permet jamais de remonter au vrai auteur. Mais un auteur fictif. Dixit Valéry. Sous un faux nom se cachent des motivations différentes. Je recommençais. Tout m’était donné, encore une fois.

Le titre, c’est déjà le son. Ce qu’ils disent et comment ils le disent. Les poètes peuvent traiter n’importe quel sujet, dans n’importe quel style. Les poètes doivent utiliser leurs propres textes. L’utilisation d’instruments de musique ou de musique enregistrée est interdite. L’utilisation d’accessoires est interdite. La performance du poète doit reposer sur son texte et sa relation avec le public. Les costumes et déguisements sont interdits. Le poète doit porter les vêtements qu’il porte dans la vie de tous les jours. Un costume se définit par un ensemble ou vêtement ayant pour but de souligner l’effet de la performance du poète. L’organisateur ne sera, par exemple, pas tenu légalement responsable de votre corps nu sur scène. L’inspiration. Un poète a le droit de s’inspirer du travail (mots, textes, paroles) d’un autre et de l’intégrer à son propre travail. En revanche, se contenter de répéter le travail d’un autre est interdit. Et pendant ce temps-là, sur l’autre rive, le commentateur d’un critérium, fait de la poésie. Le théâtre des tensions et des relâchements, des brisures et des éclats. Voix à l’avenant.

Extrait de Deux temps, trois mouvements à paraître sur Publie.net.

Télescopages, discordance des temps. Toutes ces bribes que le désir tente de tisser.


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