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Assemblage (texte et vidéo) de Pierre Ménard

La forme détournée de l’abécédaire est un genre voué à la célébration de l’acte créateur (le livre des livres). Cette année j’ai décidé d’aborder l’abécédaire par la vidéo. Deux fois par mois, je diffuserai sur mon site, un montage d’extraits de films (à partir d’une sélection d’une centaine de mes films préférés : fiction, documentaire, art vidéo) assemblés autour d’un thème. Ces films d’une quinzaine de minutes seront accompagnés sur le site par l’écriture d’un texte de fiction.

Ce projet est un dispositif à double entrée : un livre et un film. Le film est un livre. Le livre est un film. Ce livre dit qu’il est à voir, ce film montre qu’il est à lire.

G comme Gare : la vidéo



La salle des pas perdus

En terrasse d’un café de la gare, tu attends l’heure de ton train. Iris effondrée à tes côtés, a le visage fermé, les yeux rouges à force d’avoir pleuré. Elle a passé toute la nuit à se demander si elle trouverait la force de retourner chez ses parents et d’assister à l’enterrement de sa sœur. Elle n’a pas réussi à dormir. Elle n’arrive pas à admettre que sa sœur est morte.

La gare est le lieu des retrouvailles, des attentes, le lieu des rendez-vous et des baisers, endroit d’inquiétude aussi, et de départs soudains. Dans l’attente. Un temps suspendu, distendu. Le temps passé à regarder passer le temps. Et les passants, les voitures dans la rue animée. Et les voisins du café, en terrasse, le serveur et ses allées-venues. Le déchiffrement infini de la ville.

Vous vous êtes installés sur un banc sous la large verrière construite il y a quelques années au niveau des voies des grandes lignes de la Gare de Lyon. Non loin de vous un jeune homme noir, vêtu d’un jean et d’une marinière, interprète des airs de Chopin avec une maestria déplacée dans ce lieu public ouvert à tous les courants d’air, sur un piano d’une piètre qualité mis à disposition des voyageurs.

Tu écoutes cette musique interrompue et perturbée par les annonces régulières du départ des trains, les conversations enjouées des voyageurs qui attendant leur train, les enfants qui s’amusent à se courir après, l’acoustique du lieu est épouvantable, les sons entrent en conflit dans une cacophonie qui invite à la fuite.

Plusieurs fois de suite tu jettes un regard furtif vers ton amie, son visage immobile, incapable de la moindre réaction, enfermée dans un mutisme qui amplifie sa douleur. Le regard fixe, perdu dans le vide. Tu voudrais lui parler, lui prendre la main, lui dire que tu es avec elle dans l’épreuve qu’elle traverse, qu’elle peut compter sur toi, tu seras toujours là à ses côtés. Tu lui as déjà dit la veille mais tu devrais le lui répéter pour la rassurer, la consoler par ta présence amicale. Mais c’est à ta femme Albertine et à ta fille Rebecca que tu penses dans ces circonstances exceptionnelles. Peut-être la musique explique-t-elle également cette inclinaison ? Tu écoutais beaucoup de musique en famille. Ta femme est très mélomane. C’est elle qui t’a fait découvrir et apprécier la musique classique. Presque malgré toi tu te souviens de ton départ de Marseille, le jour où tu quittais la ville pour la retrouver et aller vivre à Paris.

Comme à ton habitude tu étais arrivé en avance, tu avais toujours peur de rater ton train, qu’un enchainement de circonstances, certains parleraient de hasard, puissent te retarder, te faire manquer l’heure du départ du train, et que tout se trouve bouleversé, mais c’était déjà le cas, ce départ pour toi, c’était la fin d’une époque, une page de ta vie se tournait en cet instant, tu quittais la ville où tu étais né, où tu avais grandi, vécu tes premières amours, tes premières expériences, noué tes amitiés les plus fidèles, c’est tout cela que tu quittais tu le savais, les bars que tu aimais fréquenter, les paysages que tu arpentais, la ville de tes parents. Tu surmontais non sans difficulté ce moment de l’attente qui se prolonge dans la gare, dans la salle des pas perdus, un journal acheté en entrant dans la gare, que tu n’arrivais pas à lire, sur la banquette du café de la gare, la main lasse ne parvenant plus à tenir le journal, l’attention nécessaire pour s’intéresser aux nouvelles jour, le bras tombe, la main glisse le long du canapé, le journal était resté en suspens un court instant, ton regard absent, rêveur, entré à l’intérieur, pris dans les plis de tes souvenirs envahissants.

Tu avais finis par revenir à la lecture de ton journal que tu déplias pour te donner une contenance. Tu le feuilletais de manière distraite. L’œil glissait évasivement entre les gros titres et les images noir et blanc des faits divers, de l’actualité politique et judiciaire, et des événements qui faisaient la une en France et dans le monde, un parcours prémédité qui te rappelait l’objet de ta présence dans cette gare, ce moment du départ.

Tu ne regardais pas les gens qui t’entouraient dans la gare, cette foule informe, aux mouvements saccadés et abstraits, ses bruits abrutissants. Tu revis la même chose aujourd’hui. Tu sens ton amie à tes côtés sans même avoir à la regarder. C’est une vibration électrique que tu perçois presque malgré toi. Un souvenir et sa révélation en même temps.

Comme souvent quand tu arrivais en avance pour prendre ton train, il y avait ce moment où, trop en confiance, sûr de toi, ne pensant plus à l’heure car déjà sur place, la crainte d’arriver en retard s’était évanouie, et lorsque le moment de l’heure de ton train venait, tu ne t’en apercevais qu’au dernier moment, alors il fallait payer ton café en toute hâte, attraper l’ensemble de tes affaires dispersées autour de toi, sur les chaises et sous la table du café, n’en oublier aucune dans la précipitation, retrouver le bon quai sur la panneau d’affichage lumineux au centre du hall d’accueil, rejoindre ce quai, souvent à l’opposée de l’endroit où tu te situais, monter prestement dans le train avant que ses portes ne se referment derrière toi dans un bruit mécanique mêlé à l’annonce sonore du départ, et qu’il parte enfin, te laissant dans le couloir, avec toutes affaires à tes pieds, essoufflé et en sueur, à bout.

Tu avais trouvé un travail sur Paris, tu étais devenu informaticien dans l’armée. Albertine s’était installée quelques mois plus tôt à Paris après avoir trouvé un poste de prof de lettres, une affectation dont elle rêvait depuis l’obtention de son diplôme. Elle n’avait pas pu attendre, à la rentrée scolaire elle s’était fait héberger chez une amie qui habitait un grand appartement en banlieue parisienne, et tu étais resté seul dans votre appartement. Les premiers mois de son absence, avant qu’Iris ne viennent habiter avec toi, tu avais beaucoup repensé à cette période de ta vie de célibataire que tu avais plutôt mal vécu. Tu sortais beaucoup à l’époque pour oublier l’absence d’Albertine. Tu l’aimais mais tu ne parvenais pas à te résoudre de tout quitter pour la retrouver dans une ville que tu ne connaissais pas. Tu avais l’impression que s’ouvrait pour toi un moment charnière de ton existence, fait doutes et de questionnements. Un virage important.

Les premiers temps, loin d’Albertine, tu passais ton temps dans les trains. Cela te rappelait immanquablement le temps où, étudiant, tu ne voulais pas aller à l’école, tu séchais les cours en passant tes journées dans le train, tu ne payais pas les transports car ton père travaillait à la SNCF, et tu pouvais aller où tu voulais. Tu traînais sur la ligne Bleue, pour ne pas rester dehors ou risquer de croiser quelqu’un que tu connaissais dans la rue ou dans un café.

À force de prendre le train tous les jours, tu ne voyais plus ce qui se passait derrière les vitres sales, le soleil sur les vitres, les rires, les échanges entre passagers. Tu n’étais pas dans le train-train quotidien, même lieu, même endroit mais à l’envers. Rideau d’arbres encore nus. Tu ne prêtais plus attention aux gares où le train s’arrêtait, emporté loin, ailleurs. Le soleil sur ton visage et ça commençait. Il allait faire chaud. Il fallait choisir son camp. Droite, gauche, droite, gauche. Le long du rivage qui défilait, lumière aveuglante. Les arbres qui striaient le regard. Tu clignotais des yeux. Le train redémarrait déjà, à peine s’il s’arrêtait, tout le temps en mouvement, avec le train, les images, ce rythme si particulier. Le printemps s’affichait partout, fleurs aux arbres. Grand ciel bleu et le train qui chavirait, droite, gauche, droite, gauche. Au quotidien tu ne faisais plus attention au bruit du train qui te berçait. Le soleil te donnait envie de fermer les yeux, tu les gardais pourtant grands ouverts. Le voyage, dont tu savais qu’il était court et ne durait pas, avait quelque chose d’exceptionnel. Il ne se reproduirait pas de si tôt. Les enseignes sur le rebord tu les oubliais déjà, à la vitesse du train. L’intérêt était ailleurs. Dans le mouvement, le lent balancement du train qui, associé au soleil sur ton visage, te donnait envie de dormir.

Pour réussir à accorder tes horaires de travail, tes vacances et les séjours à Paris où tu retrouvais ta femme et ta fille, il fallait sans cesse faire attention, calculer au plus précis. Sur un quai de gare, tu courais souvent à perdre haleine. Tu étais en retard, très en retard. Essoufflé. Un train, le dernier train, courir pour ne pas le louper, si tu le ratais, tu le savais c’était couru d’avance, tu ne la verrais pas, tu manquerais votre rendez-vous prévu de longue date, ce rendez-vous que tu attendais depuis si longtemps, et tu ne savais pas alors dans combien de temps vous pourriez vous voir à nouveau. Si même elle voudrait encore de toi. Tu traversais la salle des pas perdus. Tu évitais le choc, pourtant inévitable à la vitesse à laquelle tu détalais, avec les passagers qui attendaient l’annonce du départ de leur train, le tien était déjà à quai, on annonçait son départ imminent. La fatigue se faisait sentir, tes jambes flageolaient, tu n’arrivais plus à respirer, le souffle court, l’impression que le courage allait soudain t’abandonner, que tu ne parviendrais jamais à arriver à temps. Impossible. Tu grimpais finalement dans le train, la sirène de la fermeture des portes retentissait en même que la porte se refermait automatiquement sur toi. Tu remontais le couloir du train qui prenait de la vitesse, sortait de la gare. Tu avançais un peu hagard. Sous le coup de l’émotion, tu traversais le wagon dans le sens de la marche.

Les allers-retours des premières semaines étaient devenus rapidement pesants et fastidieux, ils s’étaient ralentis par lassitude au fil du temps. Tu ne montais à Paris plus qu’une fois par mois, prétextant le plus souvent des contraintes de travail, astreintes dont ta femme connaissait la rigidité mais dont elle se persuadait de plus en plus facilement qu’elles étaient devenues la plupart du temps un prétexte pour ne pas la rejoindre et rester à Marseille. Quelque chose s’était distendu entre vous, elle le sentait bien, mais elle se sentait incapable d’y remédier.

Et c’est à ce moment-là que tu avais rencontré Sabine. Elle venait d’être mutée dans votre bureau, elle y effectuait un stage de six mois. Elle t’avait tout de suite attiré. Mais tu n’osais pas l’aborder, tu la regardais à la dérobée à chaque fois qu’elle passait devant ton bureau ou que vous vous croisiez à la cafétéria ou devant le distributeur automatique de boissons. C’est à peine si tu osais lui adresser la parole. Tu ne lui parlais que lorsque d’autres collègues à tes côtés engageaient la conversation avec elle puis s’adressaient à toi, tu entrais alors dans votre discussion, et tu sentais son regard se poser sur toi avec le ravissement de la première fois. Tu espérais qu’elle ne remarque pas ce qui t’attirait en elle, ses yeux dessinés en amande, sa bouche sensuelle, ses tâches de rousseurs sur sa peau très blanche, ses longs cheveux bouclés, ses attaches fines et son corps ferme et musclé. Elle était jeune, elle était belle.

Pour le départ à la retraite d’un collège, l’équipe avait organisé une soirée dans un restaurant parisien. Au moment de rentrer chacun chez soi, ton chef t’avait pris à part pour te demander de bien vouloir raccompagner Rebecca jusqu’à son train, Gare de Lyon. Elle habitait en banlieue et il se sentait rassuré de la savoir accompagné jusqu’à la gare à cette heure tardive. Tu habitais dans le quartier, cela ne représentait pas un grand détours pour toi. Il était tard, tu avais accepté.

Tu te souvenais encore de cette charmante marche nocturne où tu l’avais accompagnée, vous avanciez l’un à côté de l’autre, évoquant chacun à tour de rôle vos parcours, mais ta vie semblait s’arrêter à tout ce que tu avais vécu avant ta rencontre avec Albertine, car jamais tu ne parlais d’elle, ou de manière biaisée, détournée. L’odeur des cheveux de la jeune femme t’enivrait dans la nuit estivale autant que cette discussion délicieuse qui vous faisait évoquer tous les sujets avec une liberté de ton, une aisance, qui mettait en avant, en valeur, le charme de ta voix, la subtilité de ton humour, et l’expérience de ton parcours personnel.

À la gare, le train stationnait sur le quai désert, tu revois ses feux arrières pareils à deux yeux. Votre pas avait ralenti depuis que vous étiez descendu dans le souterrain. Elle attrapa tendrement ton bras. Vos pas s’étaient harmonisés, et vous marchiez au même rythme depuis plusieurs minutes déjà, bien assortis tous les deux. Et sans te regarder en face, tout en continuant à avancer, elle te demanda avec une assurance désinvolte qui te surprit par son audace, si elle pouvait passer la nuit chez toi. Elle ne voulait pas rentrer chez elle. Elle voulait prolonger la nuit avec toi. Tu te souvenais de sa voix au moment où elle avait prononcé ses mots. Tu n’avais pas osé la regarder en face, ému, le cœur battant, dans l’interdit de cette émotion qui t’envahissait mais dont tu sentais bien l’illicite. Sans lui répondre, tu avais rebroussé chemin et remonté le quai en sens inverse, appuyant juste un peu plus fort ta main sur son bras en soufflant ces mots à son oreille : je n’habite pas très loin.

La présence de cette inconnue dans dans ton appartement te parut tout de suite incongru, tu sentais bien qu’elle n’était pas à sa place dans cet endroit où tout te rappelait Albertine. Elle était décalée. En même temps, cela t’excitait un peu ce décalage. Tu ne pouvais pas nier que tu étais attiré par elle, sa beauté, sa jeunesse. L’attrait de l’inconnu, de l’interdit. Mais cette attirance était repoussante en même temps. Vous discutiez tout en vous rapprochant sensiblement au fil de la soirée. Votre discussion commencée à table autour d’un dernier verre, s’était poursuivi sur le canapé du salon. Puis, lorsqu’elle s’était assise par terre, le dos contre le rebord du canapé, pour allonger ses jambes, tu l’avais rejoins en t’approchant encore un peu plus d’elle. Vous vous étiez retrouvé l’un contre l’autre. Les mots devenaient plus rares. Les silences et les regards plus langoureux, avec l’alcool, la fatigue et la torpeur ralentissaient vos gestes. Les caresses avaient remplacé peu à peu les mots. Tu aurais voulu arrêter le temps, profiter de la délicatesse de vos échanges attendris. Tu ne voulais pas aller plus loin, tu voulais être à ses côtés, la caresser et l’embrasser tendrement, sans aller plus loin. Elle s’abandonnait peu à peu à toi et cela te surprenait comme si tu ne l’avais pas cherché, désiré, attendu. Tu étais partagé, confus. Tu ne savais pas comment le lui dire, et tu continuais à te rapprocher d’elle, à caresser ses cheveux bouclés, sentir la peau de sa nuque musquée où tu déposais par intermittence des baisers délicats et chastes du bout des lèves. Elle s’offrait à toi, avec une lenteur sensuelle, mais sans aucun geste direct. Elle répondait simplement à tes baisers, à tes caresses. Le souffle de sa respiration te troublait. Son parfum t’enivrait et faisait battre ton cœur. Sa bouche t’attirait. Quand elle commença à déboutonner ta chemise pour glisser ses mains sur ton torse, tu arrêtas son geste en prétextant un léger malaise. Tu ne pouvais pas aller plus loin. Tu n’aurais pas dû te laisser aller. Sans doute était-ce l’alcool et la fatigue ? Tu étais désolé. Dans quelques heures à peine le jour allait se lever. Vous vous étiez couché sur le lit, enlacés dans les bras l’un de l’autre. Tu ne réussis pas à t’endormir cette nuit-là. Tu pensais à Albertine en entendant la jeune femme respirer dans son sommeil. C’est à cet instant là que tu pris la décision que tu rejoindrais Albertine le plus vite possible. Tu l’aimais. Tu ne pouvais pas vivre loin d’elle. Cette soirée avec cette jeune femme t’avait permis de voir enfin clair dans tes sentiments.

Le lendemain matin, la jeune femme ne travaillait pas mais tu devais retourner assurer une permanence au bureau d’assez bonne heure. Tu lui proposas de la raccompagner à la gare, elle accepta sans enthousiasme, le visage fermé. Tu lui expliquas la situation en essayant de la ménager mais elle se moqua de toi et de ta peur de t’engager. Elle n’avait pas tort mais tu ne voulais pas l’admettre. Et tu te souvins longtemps de ses derniers mots sur le quai de la gare lorsque tu l’embrassas sur la joue et qu’elle attrapa ton visage à deux mains pour le maintenir à sa portée et t’embrasser langoureusement, votre premier et dernier baiser : “La mélancolie est un impossible oubli, elle nous ramène à une origine perdue.”

Dans le train, à vive allure, tu regardes un peu distraitement à travers la fenêtre, de longs passages d’un horizon à l’autre, une voiture double votre train. Tu as soudain l’impression de voir ta vie te dépasser. Dans l’ombre des deux trains qui se croisent, les reflets des fenêtres, et à travers elles des paysages reflétés par bribes sur chaque versant, accentuent la diffraction de l’image et de l’espace qui s’ouvrent alors. Un fragment de visage, un éclair lumineux, une perspective inédite, la silhouette éphémère d’une inconnue, le paysage fuyant à droite, à gauche, se stabilisant un court instant avant de sombrer d’un côté, de l’autre simultanément et faire perdre tes repères. Tu te trouves transportés ailleurs, dans un espace-temps inouï, où le temps s’arrête, et où, si tu le souhaites, tu peux entrer dans un autre lieu, un autre moment de ta vie, à la manière dont fonctionne les souvenirs. La mémoire ouvre en effet ce genre de portes dans le temps. Tu regardes mais tu ne vois rien de précis. Tu entres en toi-même, immobile, tu cueilles les pensées qui te viennent dans le désordre, parce que tu les laisse venir enfin à toi.

Alors que tu ne penses plus à ton amie depuis quelques instants, distrait par le défilé de ces paysages fuyants derrière la vitre, dans le lancinant roulis du train, elle pose sa main sur ton bras, ce qui te fait légèrement sursauter et revenir à toi. Tu essaies de cacher ta surprise en lui souriant.

Comment reviendrons-nous ? te demande Iris d’une voix douce bien qu’un peu inquiète.

Tu ne réfléchis pas et tu lui réponds un peu énigmatique : Ici, on ne revient pas ! Tu le sais.

Comment ça ? s’étonne-t’elle avec une esquisse de sourire sur le visage.

Tu te rends compte que depuis que tu l’as revue, malgré l’épreuve qu’elle vient de traverser, l’inquiétude, puis la douleur et le deuil, c’est la première fois qu’elle te sourit. Tu n’en connais pas la raison, mais cela suffit à te rassurer.

Après un long silence, en la regardant dans les yeux, tu lui réponds tendrement : Nous irons comme convenu.


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