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Sable et solde | 12

La chute dans le temps et la tonique écriture.

Retour à la maison, après notre voyage à New York, le trajet de retour paraît si court, dans les faits c’est le cas d’ailleurs, une heure de moins qu’à l’aller, une question de vents porteurs, de courants de masse d’air, bref l’impression d’un trajet à peine plus long que pour traverser la France en train du Nord au Sud. Mais même si le trajet est plus court, à peine eu le temps de regarder un film, de dîner sur le pouce, de fermer l’œil une heure en écoutant Blue Train, l’album de Coltrane, et voilà que l’avion atterrit.

Je passe sur la rapidité avec laquelle nous passons la douane et la frontière, contre toute attente suite aux attentats de Boston, et j’essaye d’oublier l’enthousiasme disproportionné du personnel d’accueil pour une vedette du petit écran, nous ignorant totalement (et la vedette en question en manteau de fourrure et le personnel d’accueil qui n’a d’yeux et de jambes que pour elle, la suivant et lui quémandant un autographe qu’elle leur refusera, pressée de rejoindre son hôtel de luxe).

Toute la journée il faut tenir pour ne pas sombrer et se coucher trop tôt, dans l’espoir de ne pas souffrir du décalage horaire. Nous y parvenons à force de café et de travail (rien de tel pour rester concentré et lutter contre le sommeil). Je termine de charger les dernières photos de mon carnet de voyage à New York, manière de rester encore un peu en voyage, difficile de toutes façons d’en revenir complètement indemne, inchangé. Et c’est tant mieux.

Le lendemain bien sûr, l’écueil c’est de ne pas dormir trop tard, et de retrouver au plus vite le rythme français plutôt que celui de New York. Dans l’après-midi, nous sortons donc nous promener Caroline et moi, l’habitude quotidienne prise à New York est tenace. Et c’est tellement agréable de marcher. Au moment de sortir de l’appartement nous ne savons pas encore où nous irons, mais Caroline me demande si je connais le Comptoir Général sur le quai de Jemmapes. Sans réfléchir, je lui réponds que cela m’évoque quelque chose mais je ne sais pas où je garde cette information soigneusement rangée dans les tréfonds de ma mémoire, enfermée depuis si longtemps. Je lui explique où je situe cela mais sans plus d’assurance, juste de l’intuition. Au bout d’une allée, à côté du Café Le Jemmapes. Nous nous y rendons. Il fait un peu froid lorsque le vent souffle, mais quand nous marchons au soleil, la promenade devient tout à fait agréable. Une fois arrivés devant le portail bleu grand ouvert, nous avisons une toute petite plaque en cuivre où nous lisons le nom que nous recherchions. C’est donc bien là. Nous avançons dans l’allée, je me souviens bien être entré pour photographier le mural du pignon du café, mais je n’étais pas allé plus loin, et cela fait plusieurs années déjà.

Nous poussons la porte vitrée du Comptoir Général, et nous voilà transportés dans un autre monde.

Rien de tel, me dis-je sur place, au retour d’un voyage, pour ne pas se sentir dépaysé, que de partir à nouveau, sans attendre, même si ce n’est pas très loin de chez soi, ce n’est jamais la distance parcourue qui fait l’intérêt du voyage, mais l’attention que nous y mettons (plus que la tension), l’esprit d’aventure et d’invention, les yeux grands ouverts sur ce qui nous entoure et que nous ne voyons plus, ce que nous avons oublié.

En cherchant quelques heures plus tard des informations sur la dérive situationniste pour un prochain thème de la revue d’ici là dont je termine la mise en page du numéro 10 sur le thème du corps amoureux, je découvre cette vidéo de Simon Bouisson qui en explique très bien les grandes lignes.



Et tout à coup, tout s’éclaire... L’envie de dénicher des parcours dans la ville dans laquelle on habite, qui nous est familière et que l’on croit connaître, d’en dessiner le plan, d’en dresser la carte sonore, d’en faire le récit, avec toujours en tête l’idée de surprendre, de provoquer, au fil de la marche, la surprise, l’étonnement, de ceux qui emprunteront ces parcours, en traversant des lieux étonnants, variés, qui nous d’appréhender la ville autrement, comme si nous étions dans un autre pays. Hors des sentiers battus et des lieux communs.

Photographie Planche-contact du dimanche 13 mai 2012, 16h15, au Passage de la Brie, Paris 19ème.

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