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Au lieu de se souvenir (Semaine 45 à 49)

Chaque mois, un film regroupant l’ensemble des images prises au fil des jours, le mois précédent, et le texte qui s’écrit en creux.

« Une sorte de palimpseste, dans lequel doivent transparaître les traces - ténues mais non déchiffrables - de l’écriture “préalable” ».

Jorge Luis Borges, Fictions


L’effondrement d’un monde. On pourrait s’amuser à dresser la liste des analogies, des correspondances qui relient entre elles les compositions de ce programme. Débris d’une maison ruinée, souvenirs piteux : tapisserie, papiers froissés, pipe, verre, mandoline en lambeaux, que les sinistrés ramènent d’entre les gravats. Pas seulement la lenteur d’une fatigue, mais l’indifférence la plus complète à tout danger présent ou éloigné. Quelque chose devrait se passer. Tout est tellement évident. Parfois, je regarde longtemps devant moi sans rien voir. Je ferme les yeux exprès.

Aujourd’hui, je voudrais être seul avec toi. Tous les autres voient plus de détails que moi. Elle ne pourra jamais supporter de réponses simples et à l’abri d’une remise en cause. Il est plus simple de jouer sur les mots que de traiter les maux. Opposer le mesuré et l’immatériel, l’imperturbable et l’impondérable, marier le rythmique et l’atmosphérique. Savoir parfois s’en remettre aux accidents, intégrer les dysfonctionnements informatiques ou les fruits du hasard au sein du processus de composition. J’absorbe les influences, je compose et je réfléchis après.

J’ai l’impression de porter des bottes de sept lieues. Maintenant, je vais moi-même à ma propre rencontre. J’écoute et demande : à qui ? Pour ne pas dire toujours : à élaguer, rogner, supprimer, plutôt qu’à ajouter. Viser au plus juste. Ma volonté me fait trembler, elle est à la fois dans tout mon corps et rageuse. Ça me paraît tellement important. Si on peut décrire les causes de ce détachement. Si seulement le poétique et le politique ne pouvait ne faire qu’un. Qu’est-ce qui du corps continue le contact du monde ?

Le monde reste comme un décor, dont le vide étonnamment vivant et plein perturbe la perception amoureuse du corps vertical. Mais tout ce qui se passe s’efface du même coup, c’est-à-dire ne fait que passer. Apparaître disparaître, partir revenir. Ce qui advient passe, mais reste la poussière qui passe à travers les filets de l’ennemi. Nous ne nous demandons pas si une chose est possible, mais si elle est belle. J’essaie de me souvenir de mon rêve. Avec amour. Enfin, il fut capable de lui dire qu’il l’aimait. Je crois que ça donnera un roman.


LIMINAIRE le 18/04/2024 : un site composé, rédigé et publié par Pierre Ménard avec SPIP depuis 2004. Dépôt légal BNF : ISSN 2267-1153
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