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Foule en mouvement dans une pièce vide

Ce texte a été écrit dans le cadre de la première séance de l’atelier d’écriture animé en ligne par Laura Vasquez : Écrire chez soi, sur le thème de la foule, à partir d’un texte de Lev Rubinstein (extrait de La Cartothèque).

La foule de ce texte tente de reproduire celle du court-métrage d’animation Tango, de Zbigniew Rybczyński, film construit sur une accumulation hypnotique de personnages dans une pièce, chacun répétant sans fin, dans son coin, une action spécifique.



Un jeune garçon en short envoie par mégarde son ballon par la fenêtre ouverte de la maison. Le jeune garçon grimpe par-dessus le cadre de la fenêtre pour tenter de le récupérer. Il l’attrape et le jette par la fenêtre avant de sortir comme il est venu, ni vu ni connu.

Le jeune garçon envoie à nouveau son ballon par la fenêtre ouverte de la maison. Il jette un œil depuis l’extérieur pour vérifier que personne n’est là, avant d’entrer par la fenêtre pour récupérer son ballon. Il l’attrape à deux mains, le jette par la fenêtre et sort par où il est entré. Une femme qui porte dans ses bras un bébé en pleurs entre et va s’asseoir derrière la table en bois de la salle à manger. Elle ouvre son chemisier et lui donne le sein. Le jeune garçon en short grimpe par-dessus le cadre de la fenêtre pour tenter de récupérer à nouveau son ballon sans un regard pour la jeune femme qui se lève et va coucher son bébé dans le berceau près de la fenêtre, avant de sortir de la pièce et de permettre au jeune jeune garçon de venir à nouveau récupérer son ballon qu’il vient de lancer par la fenêtre. Alors qu’il se baisse pour l’attraper, la jeune femme avec son bébé en pleurs dans ses bras entre et va s’asseoir derrière la table en bois de la salle à manger. Le garçon sort par la fenêtre tandis qu’elle ouvre son chemisier et donne le sein à son bébé.

Le garçon entre à nouveau dans la pièce par la fenêtre, il est accompagné cette fois-ci par un homme qui porte une veste et des lunettes noires, ce dernier s’introduit discrètement dans la pièce pendant que la femme va coucher son bébé dans son berceau près de la fenêtre. Le garçon en short se glisse derrière elle pour attraper son ballon et l’homme aux lunettes noires se glisse jusqu’à l’armoire près de la porte d’entrée pour s’emparer d’un paquet enveloppé de papier kraft et le voler sans que la femme qui sort de la pièce ne le remarque ni le garçon qui se penche pour sortir par la fenêtre. L’homme l’imite pour sortir en s’accrochant au chambranle du cadre de la fenêtre afin de ne pas tomber au moment où le garçon lance son ballon, où la femme entre avec son bébé pleurant et va s’asseoir à table, un homme en manteau et chapeau rouge entre alors dans la pièce par la porte de droite, portant dans ses bras un lourd paquet enveloppé de papier kraft qu’il va déposer en haut de l’armoire, près de l’entrée.

L’homme aux lunettes noires entre par la fenêtre. Le garçon ramasse son ballon. La femme donne le sein à son bébé qui pleure. L’homme enlève son manteau et son chapeau rouge. La femme se lève pour aller vers la fenêtre. L’homme aux lunettes noires se faufile contre le mur. La femme couche son bébé. Le ballon entre dans la pièce en rebondissant. L’homme ôte son chapeau rouge qu’il dépose dans l’armoire avant de sortir en regardant l’heure qu’il est à sa montre bracelet, et que derrière lui, l’homme aux lunettes noires subtilise le paquet enveloppé de papier kraft déposé en haut de l’armoire. La femme sort de la pièce avant d’entrer tout aussi rapidement. Face à elle l’homme en manteau et chapeau rouge va déposer son paquet au-dessus de l’armoire.

Une jeune fille en jupe noire, chaussettes blanches et couettes vient chercher son cahier dans l’armoire pour faire ses devoirs. L’homme aux lunettes noires se faufile contre le mur. La femme donne le sein. Le garçon se hisse par la fenêtre. L’homme en manteau et chapeau rouge se déshabille. La jeune fille va s’asseoir à la place de la femme qui va coucher son bébé, mais sitôt celle-ci sortie, le garçon enjambant à nouveau la fenêtre, l’homme en noir sort de la pièce en vérifiant l’heure qu’il est à sa montre bracelet et le voleur s’esquive discrètement. La jeune fille à couettes, qui vient de déchirer une page de son cahier qu’elle a plié à la hâte, se dresse sur son tabouret et jette la feuille en forme d’avion par le cadre de la fenêtre, puis elle laisse sa place à la femme qui vient s’asseoir derrière la table en bois de la salle à manger, tandis que l’homme en rouge entre dans l’appartement et va déposer son paquet sur l’armoire.

Une femme blonde entre dans la pièce, une assiette de soupe à la main. Elle va s’asseoir à la place de la femme qui va coucher son bébé dans son berceau. Un vieil homme torse nu entre par la gauche et s’assoit sur un tabouret, face à l’assiette que vient de lui servir la femme blonde qui repart immédiatement en cuisine. En face de lui, la jeune fille déchire une page de son cahier qu’elle plie à la hâte. Le garçon jette un coup d’œil avant de grimper par la fenêtre. L’homme aux lunettes noires dérobe le paquet au-dessus de l’armoire. Quelle heure est-il ? se demande l’homme au manteau rouge en sortant sans son manteau. Le jeune garçon entre alors dans la pièce par la fenêtre. La jeune fille aux couettes se dresse sur sa chaise et jette la feuille pliée en forme d’avion par la fenêtre avant de sortir. Le vieil homme torse nu entre par la gauche et s’assoit sur un tabouret pour manger sa soupe que vient de lui apporter la femme blonde en tunique.

Un sportif en tennis, tee-shirt blanc et short rouge entre par la gauche. Il observe la musculature de ses bras puis il fait le poirier sur un des tabourets restés vides, tête à l’envers il tient l’équilibre un court instant, puis il s’entraîne à la boxe frappant des coups avec ses poings dans le vide de la pièce qui se remplit peu à peu de monde. Il sort enfin par la porte à droite de la pièce. Le vieil homme mange sa soupe. Le voleur se faufile avec son paquet. La jeune fille fait ses devoir. Le garçon cherche son ballon. L’homme en noir vérifie l’heure. Une femme vêtue d’un imperméable couleur mastic entre par la droite chargée d’encombrants paquets de course qu’elle va déposer dans l’armoire en croisant : le sportif qui s’entraîne en sautillant dans la pièce, l’homme au manteau et chapeau rouge qui entre à son tour, la femme qui va s’asseoir pour donner le sein à son bébé en pleurs, la femme qui dépose l’assiette de soupe sur la table, la femme en imperméable qui vérifie l’intérieur de son porte-monnaie sur la table avant de sortir.

Un homme à moustache portant un pull-over bleu foncé entre et monte sur un des tabourets pour réparer l’ampoule du plafonnier mais il s’électrocute et tombe lourdement par terre. Il se relève cependant et sort de la pièce en boitillant laissant traîner sa jambe gauche. Une serveuse avec son tablier blanc apporte un imposant plat de poisson qu’elle a déposé sur la table pour le découper avant de le servir. Une grande femme blonde entièrement nue, dans le désordre de la pièce, se dirige vers l’armoire, y trouve des vêtements, elle maintient une large culotte blanche entre ses dents pour enfiler plus facilement la robe légère à motif fleuri qu’elle y a trouvé, puis elle met sa culotte et s’assoit enfin sur le rebord du lit pour attacher les lanières de ses chaussures à talon, avant de sortir par la droite.

Un plombier à casquette entre avec des toilettes en émail sous le bras, un large tuyau d’aération en fonte et un seau en métal, chargé il traverse la pièce pour sortir par la droite au milieu de la foule des autres personnes. Un policier vient chercher sa casquette dans l’armoire, la pose sur sa tête, l’ajuste avant de terminer de brosser ses chaussures pour les faire reluire en posant son pied sur l’un des tabourets encore libres à cet instant, puis il s’approche de la porte à droite avant de fermer sa veste, de vérifier qu’il n’a pas oublié ses menottes et de sortir du côté opposé. Un ivrogne débraillé chancelle à travers la pièce au milieu de la foule, il vient de boire une rasade d’alcool avant de sortir en reculant tant bien que mal à travers la foule qui se densifie de plus en plus. Une femme de ménage portant blouse bleu et fichu blanc sur les cheveux entre par le fond de la pièce. Elle passe la serpillère sur le parquet, elle monte sur le tabouret libéré par le vieil homme torse nu qui vient de finir sa soupe, pour nettoyer le plafonnier d’un coup de serpillère avant de sortir par où elle est venue.

Un couple entre par la droite, elle est est vêtue d’une robe à fleur et son mari, un homme rond à moustache, juste derrière elle, tient un bouquet de fleurs ainsi qu’une sacoche en cuir à la main. Ils s’approchent tous les deux du berceau pour admirer l’enfant que la mère vient d’allaiter et qu’elle dépose à cet instant précis dans son berceau. La femme ronde le prend alors dans ses bras, avant d’aller s’asseoir à table où son mari dépose son bouquet de fleurs avant de vérifier s’il y a de la place sur le lit, mais finalement sa femme préfère recoucher le bébé dans son berceau, son mari l’y accompagne avant que tous deux sortent en saluant la compagnie dans l’indifférence générale.

Un jeune couple s’enlace et s’embrasse près de la porte à droite avant de de se déshabiller précipitamment et de s’allonger sur le lit pour y faire l’amour fougueusement. Une jeune femme blonde portant une longue jupe à chevrons accompagne son jeune garçon blond à culotte rouge qui apprend à marcher à pas hésitants à travers la pièce. Un homme, Stetson sur la tête, a du mal à tenir son chien en laisse, l’animal le tire à travers toute la pièce lui faisant faire le tour de la table avant de monter sur le lit au moment même où le couple qui faisait l’amour vient de se lever en sortant précipitamment de la salle en courant à moitié dévêtus. L’homme à chapeau tape son chien sur l’arrière-train avant de s’asseoir sur le tabouret libre derrière lui pour lui apprendre à lui obéir en lui demandant de s’asseoir, puis il sort par le fond de la pièce. Une vieille femme, toute de noir vêtue, entre sans que personne ne la remarque. Elle range des affaires dans l’armoire puis vient s’allonger sur le lit à côté du chien que l’homme au chapeau fait descendre après l’avoir grondé, que la jeune femme blonde qui accompagne les premiers pas de son jeune garçon l’allonge sur le bord du lit pour changer sa couche, que l’homme rond à moustache s’approche du lit pour saluer la dépouille de la vieille femme qui porte désormais ses mains sur son visage pour fermer les yeux avant de les croiser sur son ventre, son corps immobile, raide comme un gisant, mais finalement elle se lève pour laisser la place au jeune couple qui vient d’entrer à nouveau dans la cohue générale et s’allonger sur le lit pour y faire l’amour.

Un homme en robe de chambre piétine sur place devant la porte gauche de la pièce, son journal en main avant de trouver une place autour de la table où il s’assoit afin de lire les dernières nouvelles au moment où la pièce se vide brusquement. Le couple qui faisait l’amour est parti précipitamment comme s’ils avaient cru reconnaître rentrer quelqu’un qui ne devait pas les voir. La vieille femme vient de sortir, le couple venu voir le bébé aussi, la servante, le plombier les bras chargés, le sportif à petites foulées, la femme blonde et son jeune enfant qui regarde une dernière le couple faire l’amour, la femme en imperméable, l’ivrogne en titubant, l’homme qui a enlevé son manteau et son chapeau rouge, le vieil homme qui a terminé de manger sa soupe, la jeune fille à couettes qui a fini ses devoirs, la servante avec son plat de poisson découpé, la jeune femme qui s’est rhabillée en public, la femme de ménage qui en profite pour prendre le bouquet de fleurs restés au milieu de la table, le policier qui sort juste derrière elle.

Sur le lit, il ne reste plus que la vieille femme allongée, l’homme rond à moustache, à ses côtés, les mains jointes, semblant prier pour elle, et tandis que l’homme en peignoir continue sa lecture du journal, la femme ronde fait le tour de la pièce, le bébé dans ses bras, l’homme au chien se lève de son tabouret, au moment précis où l’homme qui lisait son journal s’éloigne en le pliant, le jeune garçon en short grimpe encore une fois, comme il n’a eu de cesse de le faire depuis le début, par-dessus le cadre de la fenêtre pour tenter de récupérer son ballon, la vieille femme allongée sur le lit joint ses mains sur son ventre, le couple repose l’enfant dans son berceau, l’homme au journal quitte la pièce par la gauche, l’homme au chien quitte la pièce par le fond, le couple l’imite à son tour, la vieille femme porte ses mains sur ses yeux, le jeune garçon en short attrape son ballon et le jette par la fenêtre avant de sortir comme il est venu, ni vu ni connu. La vieille femme allongée sur le lit est seule désormais dans la pièce, lorsqu’elle entend un ballon rebondir au milieu de la pièce nue. Elle se lève lentement, s’approche du ballon et se baisse pour le ramasser. Elle regarde un long moment la pièce vide, déserte, un peu perdue, ne sachant que faire avec le ballon dans ses mains. Puis, elle décide de sortir de la pièce par la porte de droite, et de fermer la porte derrière elle, laissant la pièce sans personne, désormais vide.




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